Benefactors


« Pourquoi appelle-t-on les naguals benefactors et non pas simplement maîtres ? demandai-je nerveusement.
– Appeler un nagual un benefactor est une initiative que prennent ses apprentis, dit don Juan.
Un Je lui fis remarquer que l’enseignement était l’acte le plus noble et le plus altruiste que l’on puisse accomplir envers quelqu’un.
« Pour toi, enseigner, c’est parler de modèles, dit-il.
Pour un sorcier, enseigner, c’est ce que fait un nagual vis-à-vis de ses apprentis. Pour eux, il utilise la force dominante de l’univers : l’intention – la force qui modifie et réordonne les choses ou les maintient telles qu’elles sont. 
 
Le nagual formule puis guide les conséquences que cette force peut avoir sur ses disciples. 
Sans l’intention formatrice du nagual, il n’y aurait pour eux aucun émerveillement, rien d’imposant.
Et ses apprentis, au lieu de s’embarquer pour un voyage magique voué à la découverte, n’apprendraient qu’un métier : ils seraient guérisseurs, sorciers, devins, charlatans ou autre chose.
– Pouvez-vous m’expliquer l’intention ? demandai-je.
– La seule façon de connaître l’intention, me répondit-il, est de la connaître directement, à travers un lien vivant qui existe entre l’intention et tous les êtres sensibles. 
Les sorciers appellent intention l’indescriptible, l’esprit, l’abstrait, le nagual. 
Je préférerais l’appeler nagual, mais cela se confond avec le nom du chef, du benefactor, qu’on appelle aussi le nagual.
 
J’ai donc choisi de l’appeler l’esprit, l’intention, l’abstrait. »
Don Juan s’arrêta subitement et me recommanda de rester silencieux et de penser à ce qu’il m’avait dit.