Le corps de vos croyances et leurs structures de pouvoir


De façon tout à fait littérale, vous vivez dans le corps de vos croyances. Vous percevez par le corps de vos croyances. Elles ont le pouvoir d’améliorer ou de diminuer votre vue, votre ouïe et toute autre activité liée à la perception.

Si, par exemple, vous croyez que l’ouïe diminue au bout d’une certaine durée de vie, c’est ce qui se produit. Vous utilisez de moins en moins cette faculté ; vous transférez inconsciemment votre attention aux autres sens pour compenser et vous vous reposez moins sur vos oreilles, jusqu’à ce que cette fonction commence en effet à s’atrophier. Point.

De ce point de vue, les différentes fonctions sont des habitudes. En accord avec votre croyance, vous oubliez tout simplement comment faire pour entendre correctement. Toutes les minuscules manipulations nécessaires pour entendre sont inconsciemment réprimées. La détérioration physique se produit effectivement ; cependant, elle n’arrive pas en premier, mais ensuite.

Le même genre de développement peut se produire avec à peu près n’importe quelle catégorie physique. En général, plusieurs croyances entrent en jeu. En plus de croire que votre ouïe va se détériorer, vous pouvez être convaincu que votre vision va se dégrader ; à ces deux idées peut s’ajouter la notion que l’âge va vous diminuer, que vous n’allez plus être capable d’assumer le quotidien. Ces croyances, voyez-vous, ont pour effet de matérialiser cet état.

Vous pouvez au contraire être convaincu que la sagesse augmente avec l’âge, que se connaître soi-même apporte une paix inconnue auparavant, que l’esprit alerte est mieux équipé pour évaluer correctement les circonstances et que les sens physiques ont une meilleure appréciation des plaisirs sensuels. Et ces conditions sont alors celles dont vous faites l’expérience. L’appareil physique lui-même demeure en bonne santé, conformément à vos croyances.

Encore une fois, vous devez comprendre que vos idées et vos pensées n’existent pas comme des images fantômes sans substance. Elles ont une réalité électromagnétique. Elles ont un effet sur votre être physique ; votre système nerveux les traduit automatiquement en l’étoffe de votre chair et de votre expérience.

Votre esprit conscient est censé juger et évaluer la réalité physique, il est censé vous aider à déterminer votre chemin dans l’univers corporel dont vous faites actuellement partie. Nous l’avons vu (dans la dernière session, notamment), d’autres parties de votre être s’en remettent à vous pour cela. Toute l’énergie qui est à la disposition du moi intérieur est alors concentrée, de façon à apporter les résultats demandés par l’esprit conscient.

Votre pouvoir d’action effectif suit les lignes de vos croyances. Croire en votre propre faiblesse, c’est vous priver du pouvoir d’agir. Accepter sans esprit critique toutes les croyances qui viennent à vous, c’est, au mieux, vous ouvrir à un bombardement de données conflictuelles qui obscurcissent les lignes claires de l’action et du pouvoir. Des estimations et des demandes contradictoires sont alors envoyées au moi intérieur, qui tente, par différents moyens, de vous signifier que quelque chose ne va pas. Les croyances de même nature s’attirent les unes les autres, car vous cherchez spontanément une cohérence dans votre expérience et dans votre comportement.

Il faut que vous appreniez à faire face à vos propres croyances de façon directe, car sinon vous êtes obligé de vous en occuper indirectement – en y réagissant sans le savoir dans votre expérience physique. Fondamentalement, quand vous maudissez un environnement physique, un état ou une situation qui vous sont défavorables, vous n’agissez pas de façon indépendante, mais vous réagissez presque aveuglément. Vous réagissez à des évènements qui ont l’air de vous arriver, et toujours en réponse à une situation.

Pour agir de manière indépendante, il faut que vous preniez l’initiative d’une action dont vous souhaitez qu’elle se produise physiquement (avec insistance) en la créant dans votre propre être.

Cela s’accomplit en combinant les croyances, l’émotion et l’imagination ; en les assemblant pour en faire l’image mentale de ce que vous souhaitez comme résultat physique. Bien sûr, le résultat escompté n’est pas encore physique, ou vous n’auriez pas besoin de le créer ; cela ne sert donc à rien de dire que votre expérience physique semble contredire ce que vous essayez de faire.

Comme les idées et les croyances ont une réalité électromagnétique, une interaction constante entre des croyances fortement contradictoires peut créer de puissants blocages et faire obstacle au flot de l’énergie vers l’extérieur. Une polarisation peut parfois se produire. Des croyances non assimilées, des idées non examinées peuvent donner l’impression de vivre leur propre vie. Elles peuvent très efficacement dominer certaines parties de votre activité.

Ruburt a récemment été confronté à un phénomène qui démontrait la nature et la puissance des croyances.

Il a reçu un appel téléphonique d’un homme qui habite un autre État et qui demandait une entrevue. Sans savoir pourquoi, Ruburt a ressenti l’impulsion de le voir et de prendre rendez-vous. Le visiteur est arrivé de l’aéroport, avec sa femme derrière lui.

Il s’agissait d’un cas d’école, d’un exemple vivant de l’effet de croyances conflictuelles non examinées, une personnification terrible et douloureuse de ce qui peut se passer quand un individu permet à son esprit conscient de nier ses responsabilités – c’est-à-dire quand quelqu’un a peur de sa propre conscience.

Les croyances de ce jeune homme mènent leur propre vie, alors qu’il est lui-même relativement impuissant. Aucun effort n’a été fait pour réconcilier ses croyances opposées jusqu’à ce que la personnalité soit littéralement arrivée à un stade de polarisation.

Vous vous êtes donc trouvé confronté à ce qu’on pourrait appeler un cas classique de dédoublement de personnalité. J’en parle ici parce qu’il illustre si parfaitement la nature et le pouvoir des croyances, et les conflits qui peuvent surgir lorsqu’un individu n’accepte pas la responsabilité de ses propres pensées. Ce n’est pas un cas banal – mais, à un degré ou à un autre, une division de ce type se produit toujours, sur le plan physique ou mental, lorsque le contenu de l’esprit conscient n’est pas examiné.

Dès son arrivée, cet homme débordait de belligérance et d’hostilité. Ayant demandé de l’aide, il se détestait pour ce qu’il pensait être la faiblesse qui l’avait poussé à le faire. Il envoyait des regards noirs à Ruburt, projetant toute l’énergie dont il était capable pour bien montrer qu’il n’allait pas se laisser impressionner ; et que, si quelqu’un devait dominer la situation, ce serait lui. Il parla d’une autre personnalité beaucoup plus puissante que lui – même si, dit-il, il pouvait obliger une assemblée de cent cinquante personnes à lui obéir. L’autre personnalité était toutefois originaire d’une autre galaxie et venait en ami, pour l’aider et le protéger.

Sur son ordre [dit-il], cet ami invisible avait tué un homme de loi. Celui-ci, selon cette histoire, n’avait pas compris la situation et avait blessé les sentiments de la personne dont nous parlons. Appelons-le Auguste.

Pour commencer, Auguste a été élevé dans la croyance que le moi intérieur est dangereux et que les individus réagissent en fonction de conflits intérieurs sur lesquels ils n’ont aucun contrôle conscient. (Avec des gestes.) Il croyait que la personnalité individuelle ne peut pas vraiment se comprendre elle-même, qu’elle se trouve dans une situation précaire, seule et sans défense, avec en dessous les abysses du mal et, au-dessus, un Bien froid et impossible à atteindre, juste mais dépourvu de compassion (avec un B majuscule).

Auguste se sentait perdu dans un monde fait de contraires. Il acceptait les croyances conflictuelles sans les remettre en question. (Une pause.) L’esprit conscient essaye toujours de faire sens à partir de ses croyances, de les regrouper en séquences et en schémas. Il les organise, en général, de la façon la plus rationnelle possible et se défait de celles qui semblent contredire le système d’ensemble de ses croyances.

On avait appris à Auguste à craindre ses propres pensées, à éviter de s’examiner lui-même. Au lieu de faire face aux pensées et aux croyances qu’il craignait, il commença à les repousser dans un coin de l’esprit conscient, où elles ne posaient pas trop de problème, au début.

Avec le temps, la quantité de croyances effrayantes non examinées commença à augmenter. Les idées et les croyances se nourrissent d’elles-mêmes. Il y a en elles un élan inhérent vers la croissance, vers le développement et l’épanouissement. Au cours des années, deux systèmes opposés de croyances se développèrent fortement, luttant chacun pour son attention. En tant qu’individu, Auguste se croyait totalement impuissant ; il était convaincu que, quels que soient ses efforts, il ne ferait jamais rien de bon, qu’il n’arriverait à rien. Il avait l’impression que personne ne l’aimait, et qu’il ne méritait pas qu’on l’aime. Dans le même temps, il laissait son esprit conscient vagabonder et, en compensation, il se voyait comme un être tout-puissant, méprisant ses semblables et capable de se venger de leur manque de compréhension à son égard. Dans cette direction-là, il pouvait tout faire – guérir les maux de l’humanité s’il le souhaitait, ou priver le monde de cette connaissance pour le punir. Point.

Or, toutes ces idées étaient parfaitement conscientes mais il maintenait chaque groupe à distance l’un de l’autre. Encore une fois, l’esprit conscient essaye d’atteindre un tout, une unité, en organisant toutes ces croyances en un système cohérent. Quand on entretient un certain temps des croyances qui sont en contradiction totale les unes avec les autres, et qu’on n’essaye pas de les réconcilier, une « bataille » s’engage à l’intérieur de l’esprit conscient lui-même.

Comme ce sont les croyances qui régulent les mouvements autonomes du corps et le système physique tout entier, des croyances en opposition les unes avec les autres entraînent des déséquilibres et des réactions physiques néfastes. Avant que les croyances opposées d’Auguste ne s’installent, en quelques sorte, dans des camps séparés, son corps était dans un état de remue-ménage permanent. Son cœur et son système musculaire recevaient sans cesse des messages contradictoires. Son système hormonal chancelait et sa température elle-même enregistrait des écarts énormes.

Comme les idées semblables s’attirent, à la fois sur le plan électromagnétique et sur le plan affectif, l’esprit conscient se retrouvait nanti de deux systèmes contradictoires de croyances et de deux images de soi. (Une pause.) Pour protéger l’intégrité de sa structure physique, l’esprit conscient d’Auguste se divisa clairement en deux parties. Ainsi les messages constamment envoyés au corps n’étaient plus embrouillés.

La partie d’Auguste qui se sentait puissante et étrangère s’est personnifiée. Quand Auguste se sentait menacé, l’esprit conscient se branchait sur le système opérationnel de croyances dans lequel il se voyait comme tout-puissant, protégé – mais étranger. Cette partie de ses croyances et cette image de lui-même prenaient le contrôle de son esprit conscient et devenaient ce que nous appellerons Auguste 2. Quand Auguste 2 était aux commandes, le corps physique était fort, puissant et capable d’exploits physiques dépassant largement ceux d’Auguste 1.

Auguste 2, voyez-vous, croit que son corps est pratiquement invincible et, en accord avec cette croyance, son corps fonctionne réellement de façon tout à fait supérieure. Auguste 2 se croit fondamentalement étranger. Dans ce cas, l’explication – car il faut qu’il y en ait une – est qu’il vient d’une autre planète, et même d’une autre galaxie. Son but est très clair : il est là pour aider Auguste 1, pour mettre son pouvoir à son service, pour récompenser ses amis et terrifier ses ennemis. Auguste 1 est profondément convaincu qu’il a besoin de ce genre d’aide.

Or, il s’agit ici d’une division de l’esprit conscient. Elle n’a pas son origine dans le moi profond. Quand Auguste 2 prend le contrôle, il est parfaitement conscient. Il voit simplement la réalité physique par un système rigide de croyances. Les messages envoyés au corps n’ont rien de contradictoire. Le corps est parfaitement contrôlé.

L’humeur d’Auguste 1 est bien sûr le résultat direct de ses idées. Ce que le corps ne pouvait plus supporter – à cause des modifications constantes que cela entraînait –, c’était le passage incessant d’un état d’exaltation accompagné d’un sentiment de puissance à un état de dépression accompagné d’un sentiment d’impuissance. La plupart du temps, Auguste 1 prédomine, car l’idée qu’il ne vaut rien est plus ancienne, en vos termes ; et pire, elle est renforcée par le contraste avec Auguste 2. Auguste 2 se manifeste parfois pendant une semaine entière.

Il fait et dit toutes les choses qu’Auguste 1 adorerait faire et dire, avec seulement quelques garde-fous. Pendant ce temps, Auguste 1 n’est pas littéralement inconscient de ce qui se passe ; il se rend tout à fait compte des activités et des accomplissements vécus « par procuration ». C’est, encore une fois, un jeu de cache-cache dans lequel ce qu’on appelle l’esprit inconscient est relativement innocent.

Par conséquent, Auguste 2 peut tempêter et fulminer, tricher et mentir, se vanter, montrer son mépris pour ses semblables et dégager Auguste 1 de toute responsabilité.

Maintenant. Il n’y a rien de maléfique dans la nature d’Auguste 2. Dans les milieux spiritualistes, on le verrait pourtant comme un esprit maléfique.

Sa nature est d’être protecteur. Les idées et les croyances fondamentales qui se sont personnifiées en lui, qui sont devenues lui, se sont formées pour protéger Auguste 1 des idées destructrices qui lui avaient été données dans l’enfance, pour combattre la croyance en sa propre impuissance et en sa propre futilité. Elles sont donc venues s’ajouter aux idées originales, à un âge encore très jeune. C’est donc à partir du concept enfantin d’un être puissant qu’Auguste 2 a jailli.

Plus le sentiment de faiblesse est important, plus le sentiment compensatoire de pouvoir doit être fort – mais, encore une fois, sans qu’il y ait la moindre tentative de réconciliation consciente.

La mère d’Auguste remarqua simplement que son fils semblait avoir un caractère très changeant. Auguste 2 ne s’est présenté comme une « autre personnalité » évidente qu’après le mariage d’Auguste, quand il eut à assumer la paternité et à gagner sa vie – sans y parvenir.

La croyance qu’il n’était bon à rien l’empêchait d’utiliser ses facultés ou même simplement de maintenir une ligne d’action simple avec régularité. C’est alors qu’Auguste 2 commença à s’affirmer, y compris auprès de la femme d’Auguste. À sa façon, Auguste 2 allait lui prouver qu’elle avait épousé un homme d’exception, remarquablement puissant, viril et fort. Mais pour cela, il fallait qu’Auguste 1 lui apparaisse comme Auguste 2. C’est ce qui se produisit pendant quelque temps. Auguste 1 avait un mal de tête terrible, et c’est alors qu’arrivait cet extraterrestre venu du cosmos : le mâle plein d’autorité qu’Auguste 1 n’était pas.

Ici, toutefois, la « tromperie » fit naître quelques difficultés. Non seulement Auguste 2 faisait preuve d’une plus grande promiscuité sexuelle mais, par contraste, Auguste 1 semblait extrêmement insipide. À l’origine, Auguste 2 était destiné à venir en aide à Auguste 1. Il est vrai que son exotisme débordait un peu, apportant quelque éclat à Auguste 1 quand Auguste 2 disparaissait pour un temps ; mais le contraste était trop visible, trop évident. Auguste 1, qui demeurait la personnalité principale, se mit à avoir encore plus peur. Il savait qu’Auguste 2 était graduellement en train de perdre son utilité, qu’il contribuait à dévoiler Auguste 1, et qu’il fallait qu’il disparaisse.

En fait, une fois qu’Auguste 2 se fut « approprié » le corps d’Auguste 1, tout fut déballé dans la famille. Sa femme commença à prendre des notes de ce qui était dit et fait. Lorsqu’elle répéta ces choses à Auguste 1, les tricheries et les mensonges devinrent évidents, de même que la nature infantile de cette « personnalité » ; pourtant, Auguste 2 affirmait détenir une connaissance sans bornes et provenir d’une galaxie bien supérieure à la Terre. Il faisait, par la même occasion, des prédictions qui ne se réalisaient jamais, se vantant et mentant comme un soudard.

Les croyances dont l’énergie générait cette « image de soi alternative » apparurent alors en plein jour, amenant leur résultat naturel dans la réalité physique. Auguste 1, maintenant à l’âge adulte, fut, dans une certaine mesure, forcé de percevoir la nature de ces croyances ; toutefois, quand il rendit visite à Ruburt, il n’était toujours pas prêt à le faire.

Voilà maintenant deux mois et demi qu’Auguste 2 n’a pas pris le contrôle. Auguste est en plein dilemme, car il croit toujours n’avoir aucun pouvoir, et les croyances opposées de toute puissance ne sont plus exprimées par Auguste 2. Pourtant, il faut qu’elles le soient ; aussi, pendant cette entrevue, Auguste 1 – que nous appellerons simplement Auguste – est apparu, à un moment donné, avec cette belligérance monumentale, fusillant Ruburt du regard et affirmant qu’il pouvait anéantir quiconque lui nuirait. L’instant suivant, c’était un appel au secours qui transparaissait, ainsi que son amour pour sa femme et son enfant. Auguste déclarait quelque chose, puis affirmait le contraire dix minutes plus tard.

Ici, la polarité entre Auguste 1 et Auguste 2 avait disparu, et les deux systèmes de croyances opposées fonctionnaient côte à côte. Pourtant, Auguste refusait d’examiner ses paroles et ses pensées, ou de voir les contradictions, si évidentes pour autrui.

La nature et l’importance des croyances apparaissaient de façon si éloquente que Ruburt en fut stupéfait et qu’il se sentit contraint à des manœuvres psychologiques complexes. Les deux « personnalités » n’étaient plus séparées, mais en train de se mêler.

Auguste a dit : « Mon ami a tué l’un de mes voisins qui ne m’aimait pas en lui donnant une pneumonie. Il me protège. » Un autre voisin a un ulcère et Auguste a dit à Ruburt que, depuis qu’il a touché ce voisin, l’ulcère en question semble avoir disparu. Il a ajouté : « J’aimerais savoir quelle portion de ce grand talent m’appartient. » Et, en regardant brièvement ailleurs : « Finalement, je n’ai peut-être pas besoin que mon ami me protège. » C’était là une très bonne chose, dans la mesure où Auguste commençait à se rendre compte qu’il n’était peut-être pas totalement dénué de pouvoir. Sa personnalité se retrouve cependant à devoir gérer les aspects peu engageants d’un Auguste 2 qui n’est plus personnifié.

Il doit répondre aux questions suivantes : « Si je suis si puissant, comment se fait-il que je sois si faible et que je n’arrive même pas à subvenir aux besoins de ma famille ? Si je suis si génial, pourquoi ne puis-je pas utiliser mon énergie efficacement ? »

Car le corps d’Auguste est à nouveau exposé aux oscillations des croyances contradictoires le concernant. Auparavant, il était physiquement puissant quand il était Auguste 2, et faible quand il était Auguste 1. Maintenant, en tant qu’Auguste, il est alternativement fort et faible, et le stress du corps est visible. En tant qu’Auguste 2, il pouvait rester debout jour et nuit, et accomplir des tâches physiques très difficiles pour l’être humain ordinaire, car il fonctionnait à partir de l’idée invisible de pouvoir et de force.

Il lui a fallu un certain courage pour permettre à Auguste 2 de disparaître. Comme la division nette entre ses croyances ne fonctionne plus, il va cependant paraître encore plus difficile à vivre à sa femme, du fait qu’il existe une « fuite » des caractéristiques d’Auguste 2 vers les siennes. Il ment, par exemple, alors qu’auparavant seul Auguste 2 mentait.

Voici donc un cas où des croyances radicalement opposées dominent l’esprit conscient à différents moments, chacune manipulant le corps à sa façon. Physiquement, le corps a la même force potentielle, indépendamment du groupe d’idées qui prédomine ; mais, dans la pratique, Auguste 1 était incapable d’accomplir les exploits d’Auguste 2.

Une fois, Auguste 2 a sauté par la fenêtre du deuxième étage, par colère, et atterri sans dommage – un exploit tout à fait inhabituel. Auguste, en revanche, est tellement épuisé qu’il a du mal à tenir toute une journée. C’est une situation dans laquelle les croyances d’un individu lui font littéralement placer son énergie et sa puissance à côté de lui-même ; si bien qu’il ne peut les utiliser que lorsqu’il les échange pour d’autres croyances.

C’est seulement parce que les aspects enfantins d’Auguste 2 sont finalement apparus de façon si manifeste qu’il a dû disparaître. Sa femme fit la distinction, car il était évident qu’elle n’avait pas la même opinion de cet « ami » que son mari. Ses croyances à elles furent la nouvelle fondation, le point de changement qui permirent à Auguste de voir cette image alternative de lui-même avec un peu de détachement.

 

( Jane ne se souvient de rien de ce qui a été dit par Seth. Mais dès qu’elle sort de transe – très vite, comme d’habitude –, elle me dit : « Je sens que Seth en a davantage là-dessus, qui attend, tout prêt. D’habitude, je ne m’en rends pas compte, entre les sessions, bien que j’en rêve parfois. »

C’est la fin du travail sur le livre pour ce soir. Après la pause, Seth revient avec deux pages de matériau sur un sujet que j’ai abordé plus tôt dans la soirée ; et la session transcrite s’achève à 23h51.

La session reprend toutefois après que j’ai mis de côté mon carnet de notes. Au cours d’un échange spontané, Seth livre quelques éclairages sur sa propre origine et sur la façon dont la personnalité de Jane rend possible l’émergence d’un Seth. Et plus encore. Je n’écris pas ce qui est dit et, comme d’habitude, je finis par le regretter – peut-être prendrons-nous le temps de récupérer tout cela pendant une session.

Le matériau semble toujours s’effacer s’il n’est pas consigné immédiatement, d’une manière ou d’une autre. L’une des raisons en est, selon moi, que Jane n’est pas la seule à être en transe durant ces sessions ; celui ou celle qui reçoit – moi, en l’occurrence – l’est aussi, à sa façon. Lorsque la connexion entre Seth et son auditoire est rompue, le matériau « demeure », d’une certaine manière, sur ce terrain de rencontre.)

Il n’y a pas, dans votre société, de cadre adéquat pour traiter efficacement les gens comme Auguste.

Un analyste le considérerait probablement comme un schizophrène et lui collerait cette étiquette commode ; mais ces termes sont fondamentalement dépourvus de sens. Si, au cours d’une période de temps, l’analyste arrivait à convaincre Auguste que sa condition présente résulte d’un évènement passé spécifique qui a été refoulé, et si cet analyste était un homme compréhensif et intuitif, Auguste pourrait modifier suffisamment ses croyances pour qu’une sorte de « guérison » intervienne. Il se souviendrait alors docilement de l’évènement en question et montrerait les émotions adéquates en le revivant. Malheureusement, dans son état actuel d’impuissance en l’absence d’Auguste 2, il pourrait tout aussi bien décider de faire appel à son alter ego pour montrer au bon docteur qu’il ne faut pas le traiter à la légère.

Il y aurait alors la question d’aider Auguste à faire face au comportement de son autre moi, de façon à ce qu’il puisse l’accepter comme une partie de son identité entière.

Lorsqu’Auguste 2 contrôlait le corps, la constitution chimique de ce dernier changeait. Elle différait de façon marquée de l’état hormonal habituel d’Auguste. Les modifications chimiques étaient liées au changement de croyances, et non l’inverse.

Si l’on modifiait Auguste 2 par des moyens chimiques, il reviendrait en effet à la personnalité d’Auguste 1, mais ce changement artificiel ne serait pas permanent et pourrait même se révéler dangereux.

Les tendances chimiquement inhibées seraient, en quelque sorte, étouffées de force par les médicaments. Le problème demeurerait néanmoins et des tendances suicidaires ouvertes pourraient se manifester ; ou des tendances suicidaires plus insidieuses, qui attaqueraient des organes vitaux.

Il arrive aussi que des cas de ce type soient traités à l’intérieur d’un autre cadre de référence, dans lequel on considérerait qu’Auguste est possédé par une entité « démoniaque » indépendante quand Auguste 2 se manifeste. Or, encore une fois, si Auguste changeait ses croyances, il serait possible qu’une sorte de guérison intervienne dans ce cadre. Mais les difficultés et les dangers qui s’y rattachent rendraient ce type de guérison pratiquement impossible.

Si un praticien convaincu qu’Auguste était possédé réussissait à le convaincre de ce « fait », leur croyance commune pourrait fonctionner pendant un temps. Convaincre Auguste qu’il est sous la domination d’une entité diabolique serait le premier pas. Ensuite, on pourrait au moins le débarrasser de l’intrus. Le problème, c’est qu’à l’intérieur de ce cadre de référence, la structure du moi serait encore affaiblie, car les caractéristiques normalement refoulées d’Auguste 2 seraient niées à jamais. Auguste devrait toujours être « bon », tout en se sentant perpétuellement vulnérable à une autre invasion diabolique. Le résultat déjà mentionné risquerait de se produire : l’apparition de tendances suicidaires ou de tout autre comportement d’autodestruction.

Dictée : heureusement, le corps et l’esprit humain sont beaucoup plus flexibles, beaucoup plus résilients et créatifs qu’on le croit. De nombreux cas comme celui d’Auguste passent inaperçus. Les individus en question guérissent d’eux-mêmes. Cela se produit parfois quand la personne concernée choisit de vivre une expérience traumatisante – il arrive fréquemment qu’une partie de la personnalité en ait le projet délibéré et que l’autre choisisse de fermer les yeux. Ce type d’évènements peut sembler un désastre total, ou peu s’en faut, mais mobiliser suffisamment l’ensemble de la personnalité pour en assurer la survie. Dans un moment de tension hautement critique, la personnalité peut se réunir.

En général, ces épisodes critiques de ré-union ne sont pas de longues maladies, bien que cela puisse se produire ; il s’agit le plus souvent d’un accident grave. La difficulté peut être extériorisée en un membre brisé, par exemple, plutôt qu’un moi brisé ; et pendant que le corps se répare, l’intégration nécessaire des croyances se produit.

Il y a toutes sortes de variétés et de niveaux différents dans ce genre de cas. Chaque individu est unique. Il peut parfois s’agir d’un autre mode de guérison, dans lequel des fractions se séparent de chacune des parties de la personnalité qui sont en conflit et forment une structure psychologique plus claire, qui peut communiquer avec les deux autres, jouer le rôle d’arbitre et réconcilier leurs croyances contraires.

Cela se produit souvent sans que la personnalité principale se rende compte de ce qui est en train de se produire. L’écriture automatique peut être utilisée, ou une planchette Ouija. Ce sont deux méthodes qui permettent de mettre à nu des croyances conscientes invisibles – c’est-à-dire des croyances que vous acceptez consciemment à un moment donné et que vous ignorez délibérément à un autre.

Lorsqu’on dit à des gens qui utilisent ces méthodes que ce qu’ils écrivent provient d’un mauvais esprit, d’un diable ou d’un démon, ces croyances invisibles sont repoussées encore plus loin. Alors, toute recherche à l’intérieur de l’esprit fait peur et semble dangereuse, car elle risque de donner lieu à d’autres « invasions » semblables.

Or, ce genre d’invasion consiste en général en l’apparence soudaine de croyances auparavant inacceptables, tout à fait conscientes mais invisibles, cachées. Elles apparaissent brusquement et semblent absolument étrangères. La plupart du temps, le concept de possession les rend encore plus effrayantes. Cette idée est quelquefois plus facile à accepter si elle semble être l’entière responsabilité d’un autre être, d’une autre entité. Dans tous les cas qui comportent des épisodes comme celui d’Auguste, le problème est qu’il y a des croyances non assimilées. Ces croyances peuvent s’exprimer au moyen de différentes parties du corps, plutôt que par un comportement aussi extrême que le sien. Malheureusement, un système médical qui s’occupe largement des symptômes ne fait qu’encourager le patient à projeter ces croyances sur de nouveaux organes, par exemple, alors qu’il en a déjà sacrifié à des opérations.

La solution se trouve dans l’esprit conscient – je ne peux trop insister sur ce point. Elle se trouve dans les croyances que vous acceptez concernant la nature de la réalité, et plus particulièrement concernant la nature de votre propre être.

Le travail fondamental doit être fait par l’individu, mais de l’aide est toujours disponible, à partir de différentes sources, aussi bien intérieures qu’extérieures. Vous interprétez, vous utilisez littéralement toute donnée qui vous arrive et qui vous semble utile ; et elle est très efficace – sauf si vos croyances vous amènent, par exemple, à penser que tout le monde est contre vous, que rien ne peut vous aider ou que vous ne le méritez pas. Des idées de ce type peuvent bien sûr vous empêcher de recevoir de l’aide, mais vous la cherchez instinctivement et vous l’utilisez à chaque fois que c’est possible.

Vous pouvez faire une pause ou terminer la session, comme vous préférez.

(Jane et moi prenons place pour la session vers 21h15. À 21h25, elle me dit soudain qu’elle vient de « recevoir » le titre d’un livre que je vais écrire : Par mes yeux. Elle en est très étonnée – et moi aussi. Jane dit qu’elle a d’abord cru que cette information (venue de Seth ?) signifiait que j’allais écrire un chapitre ainsi nommé pour un de ses livres à elle, mais qu’elle a vite réalisé qu’il s’agissait de mon propre travail.

Celui-ci est censé exprimer ma vision de l’expérience de Seth et la façon dont elle a influencé, ou changé, mes idées sur l’art, sur la vie, etc. Puis, alors que Jane est en train de me dire tout ça, elle annonce que Seth arrive à l’instant – une procédure tout à fait inhabituelle dans nos sessions régulières. Elle retire ses lunettes.

Maintenant. Le titre du livre est Par mes yeux, et il faut que ce soit votre propre livre, traitant à votre façon de plusieurs domaines importants. Vous avez une aptitude pour l’écriture, vous le savez.

Ce livre devrait contenir votre version de notre expérience commune, les questions qu’elle a fait naître dans votre esprit, vos explications philosophiques personnelles, votre observation de Ruburt en tant que Jane et de nos états de transe. D’autres parties devraient expliquer vos idées concernant la créativité, telle que vous la sentez en vous – les différences et les points communs entre votre expérience lorsque vous peignez à partir d’une inspiration « ordinaire » et quand vous percevez d’abord une impression psychique qui mène à un tableau. Vous devriez y inclure des illustrations partant d’un croquis initial et allant jusqu’au tableau achevé.

Pensez à l’expérimentation, observez la couleur telle qu’elle est perçue en état de conscience ordinaire et en état de conscience modifiée. Faites attention, aussi, à la couleur dans vos rêves. Expliquez vos idées concernant les gens que vous peignez, et pourquoi, alors que vous êtes fasciné par les portraits, vous n’utilisez pratiquement pas de modèles.

Ce livre peut inclure du matériau que je vous ai donné sur l’art par différents canaux, et la façon dont vous l’avez utilisé. Ce travail peut être suivi d’un autre, qui utilise les sessions principalement consacrées à l’art tout en couvrant d’autres domaines artistiques, comme la nature de l’inspiration et son origine.

Je sais que vous pouvez suivre les grandes lignes que je vous indique. De plus, ce livre devrait être agréable à écrire ; il combinerait votre aptitude pour l’écriture et pour la peinture. Le titre est bon, et le livre se vendra. Vous pourrez obtenir un contrat, avec une avance, et l’écrire servira aussi d’aiguillon pour votre peinture. Là, je suis retors.

(« Vous l’êtes ? » J’essaye d’appâter Seth.)

En effet. Car cela va court-circuiter certains de vos blocages par rapport à la peinture et vous mener vers un nouveau pouvoir spontané en tant que peintre (avec humour). Ce sera un travail qui aura du mérite à vos yeux, et ce sera le vôtre, réalisé à partir de votre propre expérience. Je sais que son élan seul va automatiquement produire, sans que vous vous en rendiez compte, des tableaux excellents. Vous voudrez les utiliser. Je ne vais pas vous dire de quelle façon cela contourne certains de vos problèmes actuels, ou desquels il s’agit. Je suggère que vous fassiez une description, un synopsis et quelques pages de début – disons, un chapitre environ.

Maintenant, nous allons faire une pause ; et c’est là ma petite surprise pour vous deux.

(« Eh bien ! Merci. »

21h42. « Je suis si étonnée que je n’ai pas encore remis mes lunettes », s’exclame Jane, une fois sortie de transe. Nous n’avions ni l’un ni l’autre pensé à un tel projet, ce qui ne veut pas dire que l’idée de faire un livre portant au moins partiellement sur Seth ne me soit jamais venue à l’esprit.

« Je suis vraiment étonnée quand il m’arrive quelque chose comme ça pendant une session, dit Jane. C’est si différent de ce à quoi je pensais, ou de ce que je faisais. À l’instant, je vois un cahier central, avec tes illustrations. Et je vois le portrait de Seth en quatrième de couverture. » Elle indique, par-dessus son épaule droite, l’emplacement où ce tableau – reproduit dans Le Matériau de Seth – est accroché au mur, juste derrière son fauteuil à bascule.

Reprise de la même manière active à 21h58.)

Maintenant. Ce livre sera une bonne publicité pour un autre que je ferai plus tard – et si vous insérez ce que je viens de vous dire dans le livre que je suis en train de faire maintenant, les gens vont déjà commencer à attendre le vôtre.

(« Ça, c’est malin. »)

Incluez-le donc dans La Nature de la réalité personnelle, car c’est la naissance de ce livre dans votre réalité personnelle.

J’avais plusieurs choses à l’esprit ce soir. Certaines des questions de Ruburt trouveront une réponse dans le prochain chapitre, que nous allons commencer. Puis, j’aurai d’autres remarques personnelles.