La fuite dans la maladie


Pourtant malgré l’évidence, je persistais à me raconter des histoires.

Je croyais que j’étais sincère quand je pestais contre les nombreux obstacles dressés sur ma route, qui s’amplifiaient au point de devenir insurmontable.

J’avais à peine commencé à m’observer moi-même, ainsi que me l’avait demandé le Rêveur, à examiner mes états d’âme et affiner mon être, et je n’étais pas encore assez sincère pour admettre que la peur dominait ma vie, non seulement cette-là, mais depuis toujours.


Aujourd’hui, j’ai de la compassion pour cet homme, moi, qui feignait de réfléchir et de peser le pour et le contre tout en se mentant jour après jours, tout en croyant prendre une décision que ses peurs avaient depuis longtemps prise à sa place.


Je refusais d’admettre ce dont le Rêveur m’avait souvent accusé :

« Tu es le seul véritable obstacle, le pire ennemie de ton évolution et la seule raison de tes échecs. Il te faudra beaucoup d’efforts et plusieurs années d’observation intérieure avant de comprendre que c’est toi-même qui crées les circonstances adverses que tu croies objectives, extérieures à toi, indépendantes de ta volonté.

Les obstacles auxquels tu es confronté sont la matérialisation d’un chant de douleur qui monte depuis toujours des régions les plus ténébreuses de ton être. »


Je cherchais en effet l’excuse qui me permettrait de refuser l’offre qui m’était faite, mais sans devoir en endosser la responsabilité et en faisant en sorte de blâmer le destin ou les circonstances pour cet échec.


Quelque chose en moi avait décidé en faveur de la maladie. Je me réfugierais encore dans les sphères ténébreuse de l’existence où l’on ne rivalise pas et où l’on ne se bat pas, mais où l’on accuse, où l’on se justifie, où l’on invoque la pitié du monde.


Mon coeur horrifié se serait arrêté de battre si j’avais su alors que j’étais le concepteur, le producteur, le metteur en scène et l’acteur du film de ma vie, et plus particulièrement le créateur des images que je m’apprêtais encore une fois à projeter sur l’écran du monde.


Ainsi que me le dirais le Rêveur, l’ignorance est une mère prudente dont la main laisse peu à peu la notre quand elle sent que nous sommes prêts.