« Le niveau de l’être crée la vie. »
De jour en jour, de parcelle en parcelle, je reconstruisais ma vie de toujours comme un robot enfermé dans son éternité inconsciente et condamné par sa mémoire génétique à répéter chacun de ses gestes.
Mes vieilles routines, mes pensées et mes émotions habituelles refaçonnaient, avec une exactitude scrupuleuse, les circonstances et les événements du passé.
En se cachant sous une vie nouvelle, en s’efforçant bêtement de se faire passer pour le futur, le passé se répétait, toujours aussi cruellement égal à lui même.
« Un homme ne peut se cacher. Chacune de ses pensées, de ses émotions ou de ses actions est gravée en lui à jamais, et c’est lui-même qui en est le justicier, le gardien impossible d’éluder, celui qui détermine son destin.
« Un homme peut croire qu’il s’évade et qu’il transforme sa vie s’il en change les conditions extérieures, mais, en dépit de ces nouvelles circonstances, il reste au même échelon, là où le retient son niveau de responsabilité, d’intégrité, et d’amour. »
J’avais entendu ces paroles mémorables au cours de ma première rencontre avec le Rêveur.
Depuis, je les avais lues et relues un nombre incalculable de fois.
Mais la mise en garde que renfermait cette prophétie ne m’avait pas empêché de répéter les mêmes erreurs et de revivre les mêmes souffrances.
Je me souviens d’avoir eu à ce sujet avec le Rêveur un entretien qui est encore, à mes yeux, une des pierres angulaires de mon apprentissage.
« La plus grande illusion de l’humanité est de croire qu’elle a un avenir.
En vérité, un homme ordinaire n’a pas d’avenir. En dépit des apparences, il ne croise jamais que son passé. »
Les événements, les rencontres, les circonstances reviennent et se répètent.
Ils sont toujours les mêmes, bien qu’un peu camouflés.
« Autrement dit, les hommes vivent une vie usée », une vie d’occasion, dis-je avec juste assez incrédibilité.
Et pourtant, chacun croit que ce qui lui arrive est inédit, que cela n’a été créé que pour lui, que cela ne s’est jamais produit auparavant, renchérit le Rêveur.
« Ce que nous appelons réalité, cette réalité que nous voyons et que nous touchons, cette réalité serait donc…, elle serait…. une espèce de… de réalité virtuelle ?
« Ce qu’un homme voit autour de lui, sa réalité extérieure, c’est son passé »
« Ce que tu appelles le présent est en réalité une transmission en différé. »
« Ce que tu vois et touches, les événements que tu pourrais jurer être en train de se produire à l’instant même ont été enregistrés il y a longtemps, dit-il le plus naturellement du monde.
Pour qu’ils puissent se produire, il a fallu que tu y consentes ans une autre dimension, dans le monde de l’être, dans tes états intérieurs.
Les circonstances de notre vie sont des états d’âme solidifiés que le temps nous rend visible.
Quand tu y assistes et que tu y participes, tu crois qu’ils se matérialisent
sous tes yeux, tu crois qu’ils sont tous nouveaux et qu’ils se produisent pour la première fois.
En réalité, ils sont la projection de ton passé qui se répète avec d’infimes variantes. »
« Ce que l’homme appel futur est en réalité son passé vu de dos. Il n’y a que dans l’ici et le maintenant qu’un homme peut dominer sa vie. C’est seulement en gérant l’instant suspendu entre néant et éternité que l’homme peut agir, mériter un vrai destin, façonner celui-ci et créer un ordre supérieur des choses. »