L’astuce, c’est de sentir avec tes yeux


« L’astuce, c’est de sentir avec tes yeux. Ton problème vient de ce que tu ignores ce qu’il faut sentir. Ça viendra quand même, en t’entraînant.

– Don Juan, ne devriez-vous pas me préciser ce que je dois sentir ?

– Impossible.
– Pourquoi ?
– Personne ne peut savoir ce que tu dois sentir. Ça n’est ni de la chaleur, ni de la lumière, ni une lueur, ni une couleur. C’est quelque chose d’autre.
– Pourriez-vous le décrire ?
– Non. Je ne puis que t’en fournir la technique.
Une fois que tu auras séparé les images, tu devras faire attention à la région entre les deux images. C’est là que tout changement digne d’être noté se produira.

– Quelle sorte de changement ?

– Cela est sans importance. C’est la sensation qui compte. Chaque homme est différent. Aujourd’hui tu as vu un scintillement, mais sans signification car il manquait la sensation. Je ne peux pas te dire comment sentir. Tu dois l’apprendre toi-même. »

Nous nous reposâmes en silence. Il plaça son chapeau sur son visage et demeura immobile, comme endormi. Je m’absorbai dans la prise de notes et lorsqu’il remua je sursautai. Il s’assit promptement et me dévisagea en fronçant les sourcils.

« Tu as un don pour la chasse, et c’est ce que tu dois apprendre, la chasse. Nous ne parlerons plus jamais des plantes. »

Il gonfla ses joues et pendant un instant souffla, puis avec une feinte innocence reprit :

« Je ne crois pas que nous en ayons jamais parlé.
Qu’en penses-tu ? »
Et il éclata de rire.