Le mensonge


Ma respiration et ma rapidité s’amélioraient de jour en jour tandis que mon âme s’allégeait chaque fois un peu plus.

J’en vins de la sorte à aimer cet effort matinal et à le bénir intérieurement.

Je poursuivis également mon travail dans les autres domaines que m’avait indiqués le Rêveur et m’efforçai autant que possible de mettre ses principes en pratique dans ma vie.


Il arriva souvent de les interpréter de travers, et même de ne pas en tenir compte à l’occasion.


Pendant un certain temps, je m’adonnai à quelques sports extrêmes, certain de pouvoir par là renforcer mon courage et ma confiance en moi-même.


« Ne cherche pas à te rassurer à l’extérieur de toi ou dans le regard des autres, me dirait un jour le Rêveur.

Ne feins pas le courage. Le vrai courage consiste à vaincre sa propre
imposture.

Laisse ces activités sportives et autres entreprises téméraires à ceux qui aiment leurs peurs, à ceux qui dépendent d’elles.

Elles ne servent qu’à les renforcer.

Un homme tel que toi est un mensonge dans un poumon d’acier.

« Il n’est pas nécessaire, pour que ta vie prenne de l’essor, que tu t’exposes à des expériences périlleuses.

Dilate ta vision des choses, développe tes idées et tes pensées à l’aide
de ta bonne volonté et de ta sincérité, et tu ne pourras jamais perdre une bataille. »


Si tant d’homme pratiquent des sports extrêmes et s’aventure dans des entreprises risquées, c’est parce que ces situation dangereuses leurs procurent une intense sensation de vitalité, parce qu’ils se sentent ainsi libérés des contraintes du temps, de leurs problèmes et du poids du monde.


Quand une distraction d’une fraction de seconde suffit à mettre leur vie en péril, il ne peuvent pas sortir de l’instant présent.

Mais ce contexte est artificiel et crée une dépendance: il les soustrait à
l’état d’hypnose pour aussitôt les rendre esclaves d’un autre état d’hypnose.


« Un jour, tu n’auras pas besoin, pour dominer tes peurs, d’affronter l’océan ou de maîtriser le vol acrobatique.

Une fois anéanti ton mensonge, tu entreras dans la force de l’ici
et maintenant en toute simplicité. Vivre dans l’ici et le maintenant est le seul état naturel, héroïque, immortel de l’homme.


Selon le Rêveur, la véritable cause de tous nos ennuis est que nous nous complaisons dans nos souvenirs du passé et nos projections de l’avenir.


En même temps qu’augmentait ma vitalité, je me sentais plus proche des autres, j’avais envie de faire quelque chose pour mon prochain, pour tous ceux que je voyais pris au piège d’une existence sans issue.

Cette compassion pour des créatures plongées dans une angoisse permanente était nouvelle pour moi.


« Cesse de te complaire ! »


« Ton apitoiement sur toi emprunte la condition humaine, s’y cache et s’y perpétue. Ta vanité te dit que tu es guéri et que tu peux par conséquent aider les autres…


« Laisse ceux qui sen sont détachés venir au secours du monde ! »


Je mis beaucoup de temps à comprendre le sens de ces paroles, à ouvrir les yeux sur l’hypocrisie de l’altruisme et de toute les formes d’assistance humanitaire que font valoir les organisations qui vivent des sentiments de culpabilité de la population.


« La seul fin de ces organismes est de se perpétuer. Leur spécialité consiste à recueillir des fonds et des ressources pour ensuite les dilapider, les gaspiller tout en survivant à peine.


« Si tu dissipes l’écran de fumée de la philanthropie sous toutes ses formes, tu verras que l’aide humanitaire, les armées du salut, les secours médicaux, pharmaceutiques et alimentaires cachent les crimes les plus haineux envers l’homme et la pire des sauvageries.


« Ne perds pas ton temps en regrets ou en pieux sentiments du devoir.

Personne ne peut agir au nom de quelqu’un d’autre.

L’individu seul peut saisir les occasions qui se pressentent.


Tout ce qui arrive est justifié et à sa raison d’être, et tout ce qui t’arrive est utile.


« Celui qui n’a pas vaincu sa propre hypocrisie, celui qui ignore tout de l’auto-sabotage qui a lieu en lui à tout instant ne peut rien pour personne.


« L’homme meurt parce qu’il ment »


Et surtout parce qu’il se ment à lui-même !