« Priver un homme qui n’y est pas préparé d’un problème ou d’une maladie équivaut à désactiver son système d’alarme ou à éliminer un providentiel régulateur de vitesse.
S’il n’est pas prêt, les conséquences de cette suppression peuvent être imprévisibles.
Il pourrait se trouver dans une situation pire que les précédentes.
« C’est pour cette raison qu’on ne peu secourir un homme de l’extérieur.
Privé d’une maladie ou d’une préoccupation, il lui substitua une autre maladie ou une autre préoccupation, souvent plus aiguë, en rétablissant, tel un très efficace homéostat, l’état intérieur qui est le sien. »
Le Rêveur me révélait le secret du comportement de l’ensemble des hommes.
Nous sommes depuis toujours témoins d’un mécanisme psychologique universel dont nous ne savons toujours pas expliquer le fonctionnement.
Les hommes renoncent difficilement à leurs souffrances, à leurs peurs et à leurs inquiétudes.
Elles sont toute leur richesse, leur biens les plus précieux, et elle les empêchent de progresser.
Pour le Rêveur, ce sont les boucliers qui les protègent.
Dans notre monde terrestre, un certain mécanisme que le Rêveur me décrivit dans tous ses détails fait que tout ce qui n’évolue pas se détériore.
Même dans notre vie d’homme, en toutes circonstances, deux directions seulement s’offrent à nous : le haut et le bas.
C’est ce que le Rêveur appelle « la loi de l’évolution ».
Il me précisa que cette loi est universelle, et s’applique aux individus, aux organisations, aux nations et aux civilisations tout entières.
Sans une poussée vers le haut, sans l’aspiration à être plus et mieux, la vie se replie sur elle-même et se dégrade.
Il me fit réfléchir au cas de l’église : à certaines époques de son histoire, privée du dynamisme qui lui avait permis de se hisser à un ordre supérieur des choses, l’Église avait abdiqué et s’était replié sur elle-même, elle s’était détériorée par intervalles jusqu’à s’engager dans une direction opposée à son orientation des débuts.
C’est ainsi qu’elle était devenue son contraire, idolâtre, superstitieuse et même criminelle ; c’est ainsi qu’elle avait pu inventer l’Inquisition, les
autodafés et les croisades tout en continuant paradoxalement à se dire et se croire chrétienne.
Les riches des Évangiles, condamnés à rester en deçà du chas de l’aiguille, hors des portes du Royaume, ne sont pas des Picsou qui voguent sur leurs réserves d’or, mais bien des hommes écrasés par le poids de leurs émotions négatives, leurs attachements, de leurs culpabilité ; ils ploient sous leur peur de vivre autant que de mourir.