Avec un regard complice et doux, le moine a saisi nos mains assemblées
et les a portées au niveau de sa poitrine. Les animaux de la nuit ont aussitôt
suspendu leur chant au-dedans de nous… Nous entrons dans une vague de
silence où tout est délice, plénitude de l’âme qui n’attend rien d’autre que le
bonheur d’être…
Dans un tourbillon de lumière, notre vue s’est brouillée. C’est une de ces
puissantes mais tendres bourrasques auxquelles le corps de la conscience
est accoutumé lorsqu’un autre lieu, une autre réalité l’appellent. Alors nous
laissons faire, sans nous poser la moindre question, sûrs de la finalité du
voyage.
Enfin, sur notre écran intérieur, il semble qu’un miroir explose sans bruit.
À nouveau le cercle laiteux de la lune est là, présent non plus dans le
firmament mais sur la surface presque lisse d’un plan d’eau. Partout il y a
des lotus, des centaines, des milliers de lotus peut-être, analogues à des
présences qui espionnent l’arrivée de l’aube… Mais l’aube ne viendra pas
de sitôt. Nous savons que cette nuit s’éternise pour être plus bavarde encore
à nos âmes.
Pendant un instant, nous survolons l’eau, semblables à des libellules qui
en caressent la surface. Toujours de l’eau et des lotus…
Soudain, une masse obscure surgit devant nous… Un énorme cobra de
pierre… Une forme protectrice sans âge… et derrière elle la silhouette
impressionnante d’un temple qui s’étire de droite et de gauche et monte,
monte vers la voûte céleste.
Angkor Vat… ! Le but que nous nous étions fixé en venant dans ces
contrées si hasardeuses…
Pourquoi nous avoir amenés là de cette façon alors que demain par la
route ou par avion… ?
Le moine à la robe safran nous adresse son paisible et indéchiffrable
sourire félin puis ajoute juste quelques mots :
« … Parce que ce que j’ai à vous montrer n’existe sur aucune carte
terrestre. Parce que la conscience enregistre mieux lorsqu’elle est nue… »
Lentement, alors, nos trois silhouettes de lumière se glissent d’escaliers
en escaliers, de colonnades en couloirs et en salles. Tout est si désert mais
si peuplé, si vivant, Les fresques polies par les temps défilent devant nos
yeux émerveillés et paraissent vouloir parler. Entre deux piliers de pierre,
dans l’encadrement d’une porte, le regard de paix d’un Bouddha khmer nous
accroche au passage. Même la lèpre des âges qui passent n’a su ternir sa
pureté… la lueur blafarde de la lune qui l’enveloppe le rend tellement
éloquent !
Qu’a-t-il donc que nous désirons tant ?
« … Le non-désir… »
En murmurant ces mots, l’être à la robe safran est passé devant nous pour
nous entraîner jusqu’à un petit sanctuaire au fond d’un couloir.
Dans la quasi-obscurité, auréolé par les étincelles du prâna qui danse, un
Bouddha de pierre aux multiples bras paraît nous y attendre. Il se tient
debout, sobre et aimant, une main protectrice offerte au monde. En travers
de son buste, quelqu’un a posé une écharpe de soie jaune tandis qu’à ses
pieds quelques guirlandes de jasmin et des fleurs de lotus achèvent de se
faner. Et puis, discrète, la petite flamme d’une lampe à huile continue de
distiller son odeur de prière. Parmi les traces d’encens consumé, elle parle
de cette volonté qui veut continuer de vivre, de cet Amour absolu que l’on
ne peut déraciner.
Nous aurions envie de rester là quelques instants mais notre compagnon
nous attire vers lui. Il nous entraîne à l’arrière du Bouddha, face à un mur de
pierre bien terne.
« C’est ici que cela commence, fait-il. S’il demeure en vous quelque
schéma tout fait, quelque idée préconçue, c’est maintenant qu’il faut vous en
défaire. Venez… »
D’un geste assuré, le moine saisit alors par la main le véhicule de nos
âmes et l’entraîne avec lui dans les profondeurs de la muraille.
Sensation mille fois vécue mais pourtant toujours si indescriptible d’une
lumière qui épouse une autre lumière. Instantanément, une clarté étrange se
densifie en nous, crépite, palpite puis explose brutalement en une
fulgurance… Tout est blanc, tellement blanc !
Pendant quelques secondes, il nous semble avancer ou voler, comment
dire… au centre d’un tunnel d’une virginité absolue. Puis la lumière
s’écarte d’elle-même, se détend… et laisse place à une vaste salle
circulaire, à l’ambiance bleutée.
En son centre, paraissant suspendue dans le vide, une imposante sphère
dont la transparence évoque le cristal et donne la sensation de palpiter ainsi
que le ferait un coeur.
Aussitôt une émotion intense nous gagne, quelque chose de déjà connu et
de trop longtemps étouffé au fond de la mémoire ou dans les replis du coeur.
Il nous semble qu’on nous regarde et nous nous retournons.
Aux côtés du moine, trois grands Êtres se tiennent debout. Tous ont de
longs cheveux blonds et un visage d’une douceur extrême qui distille une
troublante radiance. Rien de fade en eux pourtant, car leurs yeux bien
plantés dans les nôtres scintillent comme des perles de volonté. Pendant
quelques instants nous ne saurions dire de quelle façon ces êtres sont vêtus
tant la force et la paix que dégagent leurs visages absorbent nos regards.
Des images d’autrefois nous traversent, des cimes enneigées qui
tourbillonnent dans notre âme et s’envolent… puis, tout se stabilise. Nous
sommes maintenant bien présents, face à eux, la conscience ouverte à tous
les vents du Soleil.
Sans attendre davantage, notre compagnon prend la parole.
« Ne soyez pas trop surpris par un tel basculement du décor. Un certain
nombre des très grands sanctuaires de cette planète ont été bâtis sur des
points géographiques qui en font des… sas pour d’autres dimensions du
monde. Ainsi vous veniez de vous engager dans l’une de ces portes. C’est
un peu comme si vous étiez enfoncés au coeur même d’un chakra.
– Devons-nous comprendre que nous ne sommes plus sur Terre ?
– Pourquoi donc ? Nous sommes bel et bien sur Terre. Vous savez qu’une
planète ne se limite pas à ce que les yeux physiques en perçoivent. Je vous
ai simplement attirés sur une longueur d’onde de votre monde, quelque peu
différente de la précédente.
Mais là n’est pas le propos de cette rencontre, mes amis. Ce qui me fait
vous entretenir de multiples vérités depuis deux ou trois heures de votre
temps, c’est la volonté d’enseigner un chemin vers l’Union. Union ou plutôt
ré-union avec vous-même et par conséquent avec le Tout, n’est-ce pas ?
Voici donc pourquoi j’ai tenu à vous faire pénétrer davantage dans cette
réalité gigogne qui constitue l’univers auquel nos consciences peuvent avoir
accès.
Si l’on veut réunir le Très-Haut et le Très-Bas en soi, il faut commencer
par accepter de percevoir toutes les dimensions de la Vie. C’est-à-dire de
ne rien rejeter des manifestations de celle-ci, d’étendre donc… ce que vous
appelez métaphysique et spiritualité, bien au-delà du périmètre dans lequel
on les circonscrit toujours.
Par l’enseignement que je vous livre, je ne veux pas faire de ceux qui
découvriront mes paroles, des “chercheurs en spiritualité” mais des
“pratiquants de la Lumière”. C’est tout à fait différent ! Voilà pourquoi je ne
crains pas de vous inviter à vous pencher sur une dimension que certains
associeront à de la pure science-fiction mais dans laquelle d’autres sauront
reconnaître des vérités et des clés fondamentales.
Me suivre, je devrais plutôt dire “nous suivre” maintenant, demandera un
peu plus de courage encore et surtout une volonté de faire fi de toutes les
sortes de frontières inculquées subtilement à l’esprit humain.
Ces êtres que vous voyez à mes côtés sont en quelque sorte vos grands
Frères… Ainsi que vous vous en doutez déjà, ils sont de ceux qui président
au Réveil de l’Humanité depuis l’Aube des Temps, sur le plan individuel et
collectif. Tous les authentiques Maîtres de Sagesse qui ont foulé le sol de
cette planète depuis des millions d’années ont été en rapport plus ou moins
conscient avec eux…
– … Et c’est parce que les hommes doivent aujourd’hui définitivement
mûrir afin de ne pas s’asphyxier que nous avons résolu d’intensifier notre
action. Voilà pourquoi nous nous apprêtons à porter notre existence à la
connaissance du plus grand nombre. La Libération passe aussi par là ».
C’est l’un des trois Êtres aux longs cheveux blonds qui vient de
prononcer ces mots. Pourtant nous n’avons vu aucune lèvre remuer. Seul un
sourire les habite et leur procure cette sorte de paix indicible qui vient
parfois visiter les songes.
Pendant quelques secondes magiques, nos regards tentent alors de
découvrir davantage ceux des trois présences. L’un d’eux est féminin, un
peu plus en amande et plus rieur que les deux autres.
« L’alliance possible et nécessaire avec la Matière… Ceci est l’un des
aspects de l’enseignement que nous avons pour mission de vous offrir,
poursuit la voix. Acceptez-vous de nous écouter et de retransmettre ? »
Comment répondre à une telle question qui va au-devant de notre
évidente attente ? Nos coeurs disent oui, sans qu’il soit besoin de mots…
Progressivement, nous nous mettons à oublier la grande salle circulaire et
son ambiance bleutée. Celle-ci ne se dérobe pas à nos présences mais
quelque chose s’ouvre et se dilate au centre de notre poitrine et qui nous
polarise à l’extrême sur les trois êtres.
L’enseignement commence alors, logique et tout de fraîcheur, comme un
léger souffle caressant une plage. La voix qui le véhicule nous semble se
déplacer d’une présence à l’autre, sans la moindre rupture.
« L’alliance avec la Matière peut être noble, dit-elle. Elle n’est
aucunement cette “marque du diable” que l’on vous a inculquée depuis si
longtemps. Il y a, bien sûr, un type de regard, donc un type de
comportement, qui avilit cette Matière et souille l’âme. C’est de cela que
vous, les hommes, vous devez avant tout vous libérer. La servitude dont la
totalité du genre humain souffre n’est aucunement fonction de la matérialité,
voyez-vous. Elle est plutôt la simple conséquence de la dose
d’asservissement à l’illusion dont on la pare constamment.
En vérité, la Matière qui vous pèse et vous limite n’est pas l’Illusion en
elle-même. Ce qui est la racine de l’Illusion, c’est la nature du regard que
vous posez sur cette matière, le ou les vêtements que vous persistez à lui
infliger. Voilà pourquoi notre présence et notre exemple, même s’ils ne
représentent pas la perfection mais l’étape d’un pèlerinage vers celle-ci,
peuvent et doivent faire naître en vous une réflexion.
Les lois physiques de ce monde, la densité et la structure de celui-ci, tout
ce qui constitue ce corps pesant et qui est le support de votre âme, tout cela
est le résultat direct du niveau de conscience de l’humanité.
Ainsi, chacun de vous imprime sur ce qui l’entoure la marque du taux
vibratoire de son être. Nous voulons dire que la structure de toute matière
est totalement asservie à votre façon de penser, d’aimer, de concevoir
l’univers et de vous comporter dans celui-ci. À tous les niveaux voyezvous,
l’Univers qui est vôtre s’avère être le prolongement direct de vos
concepts.
Les lois physiques que vous découvrez aujourd’hui ne sont assurément
pas celles qui régissaient ce monde il y a des millions ou des milliards de
vos années. Tout se métamorphose progressivement ou même parfois
violemment au rythme de l’évolution de votre regard ou des ruptures de
celui-ci.
Voilà pourquoi votre Terre, avec la nature de la matière qui la constitue,
est le pur résultat de la complicité mentale et émotionnelle de ses habitants
à un certain stade de leur conscience.
Apprenez donc à faire cesser ce faux débat si dualiste, si simpliste entre
la Matière et l’esprit. En vérité, tout provient de l’esprit, tout est esprit. Le
dense n’est que du subtil qui se prête à l’expérience de l’amnésie.
Nous savons fort bien à quel point une telle déclaration peut choquer car
certains dogmes sont comme inscrits jusque dans le code génétique de ce
grand corps que constitue l’humanité terrestre.
Peu importe ! Le temps vient de vous “déprogrammer” afin que vous
révéliez en vous les constructeurs de plus en plus conscients, de plus en
plus actifs, de votre réalité. La Divinité respire, vit et s’expanse
indéfiniment à travers chaque élément de sa Création. Elle ne peut donc être
bridée en vous.
Ce que vous appelez “Diable”, c’est cette capacité à nier la force
ascensionnelle que la Divinité a mise dans chaque coeur ; c’est le doute que
le libre arbitre vous fait expérimenter et qui est, lui aussi, envers et contre
tout, un élément majeur de cette ascension. Mais oui, cette force qui
conjugue le “deux” en vous, est acceptée, dépassée, englobée par la
Lumière. Elle est totalement à son service.
Comprenez-vous la raison pour laquelle nous vous déclarions il y a
quelques instants que la pesanteur dans l’homme et dans ses rapports avec
l’Univers ne dépend que de la plus ou moins grande place que celui-ci
accorde au souvenir puis à la Présence de la Divinité dans son souffle ?
Regardez-nous bien, tous trois. Lorsque nous ou nos semblables sommes
apparus aux foules de cette planète à certaines époques de son histoire, nous
avons été assimilés à des êtres angéliques.
Il n’en est pourtant rien ! Le berceau de notre âme est identique au vôtre.
Nous avons seulement cessé de nous complaire dans la dimension la plus
basse de notre conscience. Nous avons simplement dit : “cela suffit,
arrêtons de jouer une musique sur une seule corde de la Vie car nous
pouvons nous déplacer sur toutes ses tonalités. Nous pouvons devenir
musiciens nous-mêmes, pour ce qu’il y a de plus beau”.
L’Enfer, le savez-vous, c’est l’Illusion de notre asservissement à la
pesanteur et à toutes ses frontières. C’est un état de la conscience qui ne sait
pas, qui ne sait plus qu’elle peut respirer et décréer les boulets auxquels
elle s’est attachée.
Regardez-nous donc bien. Nous ne sommes pas, selon l’expression, “de
purs esprits”. Nous avons ennobli nos corps, en acceptant, en décidant de
penser différemment, en leur permettant, par cela, de les rapprocher de leur
Source. En prenant conscience enfin, que le Temps et la Lumière sont
comme des matières modelables avec lesquelles on peut jouer, sur
lesquelles on peut se mouvoir afin de chanter la Création et de participer à
son accomplissement.
Sommes-nous des “vues de l’esprit”, des “rêves de poètes” ou bel et bien
des humains présents face à vous ? »
La voix s’est arrêtée là un instant, sur cette interrogation qui nous laisse
d’abord sans réaction puis qui nous donne une irrésistible envie de sourire.
Sourire à l’évidence, s’ouvrir enfin à une qualité d’Amour si palpable…
Comme elle est soudainement bien, bien lointaine la présence des
Khmers rouges et celle aussi de cette ville-temple parmi les lotus !
« Ne croyez pas cela » reprend cependant la voix qui cette fois paraît
provenir de l’être au regard en amande. « Non, dit-elle, ne croyez pas cela,
car notre positionnement en ces lieux n’a pas pour but de vous faire oublier
la lourde réalité terrestre actuelle. Il veut au contraire vous y ramener sans
plus tarder. La Libération, l’Éveil ne seront jamais les enfants d’une fuite…
vers autre chose. On les découvre très concrètement par la compréhension
du sens de la Vie au coeur même de ce qui paraît souvent être un inexorable
emprisonnement.
Ne vous y trompez pas. Derrière les parois de cette base qui est aussi un
véhicule et au-delà de l’azur de cette salle, sur une autre portée musicale de
ce monde, il y a toujours les guerres et les souffrances, les intolérances et
les totalitarismes asphyxiants… Et si vous êtes ici, ce n’est ni pour les
oublier, ni pour faire rêver… mais pour ouvrir une porte de plus sur tous les
possibles.
– Vous avez dit… de ce véhicule ?
– En effet. Vous vous trouvez ici au coeur même de l’un de ces “disques”
qui parcourent vos cieux depuis toujours. Ce n’est aucunement un engin
ainsi que vos semblables se l’imaginent, mais bel et bien un être vivant.
Nous pourrions le définir comme étant un prolongement de nos consciences
ou encore l’objectivation d’un état de notre coeur. C’est pour cela qu’il
palpite, qu’il change de forme, s’expanse ou s’amenuise à l’infini ou encore
semble disparaître.
Il est… de cette réalité qui fait peur à votre humanité et qui fera que
certains abandonneront votre récit à ce point-ci de leur lecture… parce que
tout change de couleur. Parce que, enfin, il y a des schémas que vos
Gouvernement politiques, scientifiques et religieux ne veulent pas voir
s’enraciner sur cette planète…
Le sens de la Liberté et de la grandeur de la conscience prendrait trop de
place, voyez-vous !
– Voulez-vous dire qu’il existe sur Terre une sorte de conspiration
organisée afin que tout reste statique à un certain niveau ?
– C’est exactement cela, fait le moine à la robe orange, sortant ainsi de
son silence. Et cette conspiration se montre si habile qu’elle tient
particulièrement sous sa coupe nombre de courants religieux et de leurs
représentants.
Qui a intérêt à ce que les consciences se libèrent réellement de leurs
fers ? Certainement pas ce qui n’existe, en fait, que par la puissance
temporelle. Certainement pas ce qui manie les notions de péché originel, de
punition et d’Enfer.
La force ascensionnelle de toute spiritualité authentique n’intéresse pas
un certain nombre de vos grands responsables religieux… justement parce
qu’elle donne à l’homme sa véritable dimension. Elle le hausse au-delà de
ses petitesses et de la geôle de ses culpabilités.
L’Enfer, c’est le cortège des peurs que l’on entretient savamment. Le
Diable, c’est le grand responsable que l’on invente, que l’on désigne
extérieur à chacun afin de déresponsabiliser et de mieux couvrir la vie
d’une chape de plomb.
Je vous le dis, les dogmes et la métaphysique bien pensante des salons
spiritualisants n’ont rien qui fasse grandir l’âme. On n’y triture que le
mental en ayant bien soin de ne pas bousculer un certain ordre des choses,
l’ordre des limitations.
Le seul Diable qui soit, celui dont vous devez vous méfier, est un
hypnotiseur. C’est une partie de vous-même qui pose des conditions pour
vous préserver un confort rassurant jusqu’au sein même de votre quête.
C’est une partie de vous qui est comptable, qui ne raisonne qu’en moins et
en plus, en noir et en blanc et empêche de sortir d’une grille de références
préétablie. C’est ce qui fait, enfin, que vous avez peur de la véritable
Lumière, des conséquences bouleversantes de Celle-ci et qui vous apprend
à parler double sans même vous en apercevoir.
Le Diable, cela devient vous à chaque fois que vous vous laissez
convaincre qu’il faut séparer ou fermer des portes.
Tous les Khmers rouges, tous les dictateurs et tous les tortionnaires du
monde vivront en vous et par vous tant que vous n’aurez pas intégré
l’essence du mot “liberté”. La liberté par la magie de votre langue, c’est ce
qui libère le T, l’emblème christique de la résurrection, la fleur qui
s’épanouit à la croisée des chemins. Me comprenez-vous ? »
D’un petit signe de tête, nous acquiesçons puis nos regards se portent à
nouveau sur les trois êtres qui n’ont toujours pas bougé mais dont le
rayonnement touche en nous une fibre très profonde.
L’un deux, finalement, fait un pas en nous offrant ses deux mains
largement ouvertes.
« Tout ceci vous secoue, n’est-ce pas ? dit-il. Un camp d’extermination,
un village dans l’odeur du sang… et puis, cette lumière ici !
– Oui », répondons-nous un peu platement. Et, en disant cela, nous nous
sentons habités par cette vision de soleil qui pénètre tout aviateur lorsqu’il
vient de percer la couche des nuages et qu’il s’élève encore…
« Ne se pourrait-il pas que l’on nous appelle tous à voler ?
– … À voler, oui, ajoute celui des trois êtres qui semble le plus féminin
de tous. Mais vous et votre Terre, jamais vous sans votre Terre.
La Terre et les Cieux, l’Eau et le Feu sont une seule chose. On ne les
dissocie pas. Si vous ne l’avez pas compris, vous demeurez esclaves du
principe de l’Illusion. Ce dernier se pare généralement d’un visage anodin,
c’est celui de la paresse face à la métamorphose.
Nous ne vous le cachons pas, amis, les âmes humaines qui aspirent à
autre chose qu’à la servilité ont suffisamment fait la sieste. Aujourd’hui, il
faut vous lever et incarner un espoir digne de ce nom.
L’action à laquelle nous appelons, bien que passant par une réforme
intérieure évidente et urgente, doit aussitôt se traduire par des répercussions
dans les comportements. Les idées et les mots doivent générer des actes,
non passionnés mais décisifs. C’est ainsi que le travail de détoxication de
ceux qui ont résolu de se retrouver doit prendre forme. Vous ne pouvez plus
attendre.
Tous les mécanismes en place dans votre monde ou dans votre société,
tous les pouvoirs ne sont pouvoirs que par l’importance que vous leur
accordez, que la mainmise que vous leur permettez de poser sur vos façons
de vivre et de penser. C’est là qu’il vous faut réagir, en disant non à un
système binaire qui dicte vos comportements.
La spiritualité passe tôt ou tard par une négation de tous les
conditionnements, voyez-vous. Dites-le et répétez-le. »
« Voici maintenant une pratique en apparence anodine mais des plus
efficaces. Elle vise à exorciser vos peurs, et par là même, à identifier un
peu plus votre fonctionnement dualiste.
Chacun, s’il est tant soit peu honnête avec lui-même, a conscience de
quelque chose qui ne s’articule pas correctement en lui, n’est-ce pas ?
Hélas, on ne parvient pas toujours, pas souvent, à mettre un nom sur ce
“quelque chose”. Pourtant, notre âme connaît cette ou ces pièces
défectueuses de notre puzzle intérieur. Elle sait très bien de quoi elle
souffre. Elle en perçoit la forme. C’est de cette forme dont vous allez
accoucher… mais, en douceur, sans vous crisper.
Pour cela, chaque jour, pendant une semaine, vous prendrez un crayon
et une feuille de papier. Après avoir fermé les yeux quelques instants,
vous laisserez très librement votre main dessiner la maladie de votre
conscience. Sans tension, sans volonté de dénoncer quoi que ce soit. Juste
pour donner une forme à ce qui vous blesse. C’est une libération qui vous
est proposée, non une mise en accusation.
Peut-être votre dessin sera-t-il totalement non figuratif, peut-être
prendra-t-il l’apparence d’un symbole ou d’un visage.
Cela importe peu. Chaque jour, recommencez-le si vous en éprouvez le
besoin ou complétez-le. Mettez-y tout l’amour dont vous êtes capable,
même si le résultat vous semble bien laid. La véritable oeuvre d’art que
vous réalisez ne se situe pas sur le papier mais dans votre coeur.
Lorsque, au bout d’une semaine, vous aurez ainsi identifié votre rouille
intérieure, rassemblez-la ou les feuilles de papier utilisées, faites-en un
rouleau que vous unirez à une fleur ou à un ruban et allez l’enterrer. Vous
offrirez à la Terre votre mal-être. Pourquoi ? Parce qu’elle est votre mère
et qu’elle vous entendra en le dissolvant. Lorsque, au retour, vous
franchirez le seuil de votre demeure, vous serez plus léger.
Alors, l’ombre identifiée, le masque de vos résistances tiendront un peu
moins de place dans votre coeur. »
En nous confiant ces paroles, la présence féminine aux longs cheveux
blonds s’est lentement dirigée vers la belle sphère translucide qui trône au
centre de la salle et que nous avions presque oubliée. Elle nous attire
maintenant vers elle et ajoute quelques mots.
« Ne croyez pas que nous soyons loin des réalités de votre univers.
Regardez, votre Terre est là. Voulez-vous en connaître l’état exact ? »