Ce soir-là, Carlos nous parla de certaines caractéristiques de la perception. Il nous raconta que nous, les êtres humains, avons hérité des dinosaures la propriété de voir le ciel de couleur bleue. Au change, nos parents les primates le voyaient de couleur jaune.
En répondant à la demande de quelqu’un, il décrivit le monde dans lequel nous vivons comme un ‘conglomérat’ d’unités d’interprétations. « En voyant que cette définition du monde paraissait obscure à ses auditeurs, il nous expliqua : « L’être humain appartient au groupe des primates. Sa grande chance est qu’il puisse parvenir à des expressions uniques de conscience, par sa capacité d’attention et d’analyse. Toutefois, la perception pure se voit toujours interférée par la forme selon laquelle nous interprétons.
Dit avec d’autres mots, notre réalité se moule à la description.
« Le but des sorciers est de percevoir tout ce qui est humainement perceptible. Rien que de pouvoir sortir de notre condition biologique, nous en devenons des singes sublimes !
« Il ajouta encore que, pour perfectionner notre prise de conscience, le chemin de l’attention est tout ce que nous avons.
J’eus l’opportunité de parler avec lui plus tard dans la soirée et je lui demandai qu’il scinde ses affirmations en propos plus petits.
A la suite de cela, il me dit que, dû à notre conditionnement biologique, nous fonctionnons tous comme des unités de perception et il nous est possible d’effecteur un miracle de l’attention : « l’homogénéisation perceptive.
«-» Que signifie donc ‘unités de perception’ ?
«-» Cela signifie que, puisque nous sommes autonomes, notre perception pourrait l’être aussi. Cependant elle ne l’est pas, vu que, en nous mettant d’accord avec nos semblables, nous percevons tous la même chose. Cette extraordinaire faculté, qui débuta par un consensus volontaire orienté pour la survie, finit par nous attacher à nos propres descriptions.
« Il affirma que le flux des émanations de l’Aigle est constamment neuf et déconcertant, mais nous ne le voyons pas, car nous vivons à trois pas de distance du monde réel : la sensibilité innée, l’interprétation biologique et le consensus social.
Ces trois pas ne sont pas simultanés, mais ils sont plus rapides que tout ce que nous pouvons déterminer consciemment ; à cause de cela, nous prenons comme un fait le monde que nous percevons.
Je lui demandai qu’il me donne des exemples de ces affirmations.
Il me dit alors :
« Imagine qu’à ce moment, tu sois témoin d’un groupement d’émanations de l’Aigle, celles-ci sont automatiquement transformées en quelque chose de sensoriel, avec des caractéristiques lumineuses, sonores,de mouvement,etc…
Interviendra ensuite la mémoire qui va t’obliger à donner à cela une signification et que tu les reconnaisses par exemple, comme une personne.
Finalement, ton inventaire social va la classifier et la comparer avec tous ceux que tu connais : cette classification va te permettre de l’identifier. Rends-toi compte qu’une fois là, tu es à bonne distance d’un fait réel qui est indescriptible, parce qu’il est unique.
« La même chose se passe avec tout ce que nous voyons. Nous nous rendons compte que c’est le résultat d’un grand processus de filtrages ou d’écrémages comme le disait Don Juan. Nous écrémons tout, nous modifions tout de telle sorte que du monde qui nous entoure, il nous reste bien peu de l’original. Une pareille situation, même si elle nous permet de vivre dans de meilleures conditions, nous asservit , met en esclavage notre propre création et nous rend prévisibles.
« En homogénéisant nos points d’assemblage, nous permettons seulement le passage de ce qui ne va pas à l’encontre de notre idée préconçue du monde.
Nous sommes comme des chevaux, qui, après avoir appris un chemin, ne peuvent plus profiter de leur liberté ; tout ce qu’ils feront sera de répéter un modèle.
Cette homogénéité est terrifiante, trop extrême.
Alors tu te mets à penser : Il doit y avoir quelque chose au-delà !
Il rapporta encore que toute idée préconçue, comme par exemple quelque chose d’aussi simple que de nommer les choses, nous maintient enchaînés à la raison en nous forçant à créer des mécanismes de jugement.
« Par exemple, lorsque tu dis :
-’ Je crois en Dieu ‘ en réalité, tu es en train de dire :
-’ On m’a raconté certaines idées et j’ai choisi de les adopter ; alors maintenant, je tue pour elles’ C’est ainsi , ce n’est pas toi qui décides ! C’est l’autre, le jugement implanté.
« L’idéal serait que tu détermines toi-même ta vie à partir de ton expérience. Si ta croyance t’enlève quelque chose, alors attention !
Tout ce qui ne te rend pas libre, te met en esclavage.
« Se focaliser sur un aspect déterminé de l’inventaire humain comporte deux effets : ils nous rend spécialistes dans un domaine mais, en même temps, il fossilise nos conduites énergétiques qui ne réagissent déjà plus qu’à certains stimuli, saturant notre moi d’idées et d’opinions.
« Un guerrier ne peut pas s’offrir le luxe de suivre les modes des gens et encore moins d’être réactionnaire, puisque sa liberté signifie l’exercice d’autres alternatives.
«Il aurait fallu qu’il m’explique à quelles autres alternatives il faisait allusion mais il se contenta de me donner une tape sur l’épaule en me disant qu’il était déjà trop tard.
« Une autre fois… « me dit-il.
LES PRÉDATEURS DE LA CONSCIENCE
La poursuite de notre entretien n’eut lieu que bien des années plus tard.
Cette fois-là, Carlos amena à l’une de ses conversations un concept entièrement neuf, qui éveilla les controverses les plus passionnées.
« L’homme, dit-il, est un être magique, il a la capacité de voler dans l’Univers pareillement à des millions d’autres consciences qui y existent.
Mais à un moment donné de son histoire, il perdit sa liberté. Maintenant son esprit n’est plus le sien, mais une intrusion.»
Il affirma que les êtres humains, sont otages d’un groupe d’entités cosmiques qui se dédient à la prédation et que les sorciers appellent « les prédateurs.
Il dit que ce sujet avait été tenu secret par les anciens voyants, mais que, dû à un augure, il était temps désormais d’en divulguer le contenu.
L’augure était une photographie qu’avait pris l’ un de ses amis, chrétien bouddhiste. Sur cette photo, apparaissait nettement l’image d’un être obscur flottant au-dessus d’une multitude de fidèles réunis sur le site des pyramides de Teotihuacan.
« Mes compagnons et moi-même déterminèrent qu’il était temps d’informer le monde de notre vraie condition en tant qu’êtres sociaux et ce, malgré toute la suspicion qu’une telle information pourrait générer au sein du public.
« Lorsque s’en présenta l’opportunité, je lui demandai qu’il me dise quelque chose à propos des « prédateurs « .
Il me raconta l’un des aspects les plus terrifiants du monde de Don Juan : nous sommes prisonniers d’êtres venus des confins de l’Univers, qui nous utilisent avec le même dédain que celui
que nous avons vis-à-vis de notre volaille.
Il entérina :
« La portion du monde à laquelle nous avons accès est le champ opérationnel de deux formes de conscience différentes.
Celle qui inclut les plantes, les animaux, et aussi les êtres humains, est une conscience blanchâtre, jeune et génératrice d’énergie.
L’autre est une conscience infiniment plus ancienne et parasitaire, possédant une quantité énorme de connaissances.
« En plus des hommes et des autres êtres qui habitent cette terre, il y a dans l’Univers une gamme immense d’entités inorganiques. Elles sont présentes parmi nous et à certains moments, elles sont visibles. Nous les appelons fantômes ou apparitions.
« L’une de ces espèces que les voyants décrivent comme d’énormes silhouettes volantes de couleur noire, vint un jour de la profondeur du Cosmos et rencontra un oasis de conscience sur notre planète. Elle s’est spécialisée à nous ‘mettre à ses ordres’.
– «Ceci est incroyable ! « m’exclamai-je.
« Je sais, mais c’est la plus pure et la plus terrifiante vérité !
Tu ne t’es jamais questionné sur les fluctuations de l’énergie, les hauts et les bas émotionnels des gens ? C’est le prédateur qui vient périodiquement prélever son quota de conscience. Il nous laisse juste ce qu’il faut pour que nous puissions rester vivant, et parfois ils n’en tiennent même plus compte.
– « Que voulez-vous dire ? «
– « Que parfois, après leur passage, la personne tombe gravement malade, et peut même en mourir.
Je ne pouvais en croire mes oreilles.
– « Voulez vous dire par là que nous sommes dévorés alors que nous sommes encore vivants ? Il sourit.
– « Bon, ce n’est pas qu’ils nous ‘mangent’ littéralement mais ce qu’ils font est un transfert vibratoire. La conscience est l’énergie et ils peuvent s’aligner avec nous. De par leur nature, ils sont perpétuellement affamés et nous, par nature, exsudons de la lumière, le résultat de cet alignement peut être donc décrit comme une prédation énergétique.
– « Mais, pourquoi font-ils cela ? «
– « Parce que sur un plan cosmique, l’énergie est la monnaie la plus forte , nous la recherchons tous, et nous les humains sommes une race vitale, riche en aliments .Chaque chose vivante en mange une autre et c’est toujours le plus puissant qui gagne. Qui a dit que l’homme était le sommet de la chaîne alimentaire ?
Cette vision ne peut venir que d’un être humain.
Pour les êtres inorganiques, nous sommes la proie.
J’intervins pour lui dire qu’il m’était inconcevable que des entités plus conscientes que nous parviennent à un tel degré de rapine.
Il répliqua :
« Mais qu’est-ce que tu crois tu que tu fais quand tu manges une laitue ou un beefsteak ? tu manges de la vie ! Ta sensibilité est hypocrite.
Les prédateurs cosmiques ne sont ni plus ni moins cruels que nous. Lorsqu’une race plus forte en consomme une autre, inférieure, elle aide à ce que son énergie évolue.
« Je t’ai déjà dit que dans l’Univers il n’y avait que la guerre. Les confrontations entre humains ne sont qu’un reflet de ce qui se passe là, au dehors. Il est normal qu’une espèce essaye d’en consommer une autre : le propre d’un guerrier n’est pas de se lamenter à ce sujet mais de chercher à survivre.
– « Et comment alors, nous consomment -ils ?
– « Au travers de nos émotions, incessamment occasionnées par notre dialogue intérieur. Ils ont dessiné l’environnement social de telle façon que nous sommes en permanence en train de projeter des ondes d’émotions qui sont immédiatement absorbées. Ce qu’ils aiment par-dessus tout, ce sont les attaques de l’ego; pour eux c’est là une bouchée exquise. De telles
émotions sont identiques en n’importe quel endroit de l’Univers où ils sont présents et ils ont appris à les métaboliser.
« Certains nous consomment pour notre luxure, notre peur ou notre colère ; d’autres préfèrent les sentiments plus délicats, comme l’amour et la tendresse. Mais tous sont intéressés par la même chose. Leur voie d’attaque normale est la tête, le cœur ou le ventre, là où nous conservons emmagasinée notre énergie.
– « S’attaquent-ils aussi aux animaux ? «
– « Ces êtres utilisent tout ce qui est à leur disposition, mais ils préfèrent la conscience organisée. Ils drainent les animaux et les plantes dans la partie de leur attention qui n’est pas trop fixée. Ils attaquent aussi la plupart des êtres inorganiques, sauf que ceux-ci les voient et les esquivent, comme nous faisons pour les moustiques. Les seuls qui tombent totalement dans leur piège sont les être humains.
– « Comment est-il possible que tout cela se passe sans que nous nous en rendions compte ? «
–
« Parce que nous héritons de cet échange avec ces êtres comme s’il s’agissait d’une condition génétique, et cela nous semble naturel. Lorsque naît une créature, la mère l’offre en nourriture sans même s’en rendre compte, car son esprit est lui aussi contrôlé. Quand on la baptise, on signe encore plus la convention. Dès ce moment, tout le monde s’efforce d’
inculquer à la créature des modes de conduite acceptables, pour la dompter, encercler son côté guerrier et la convertir en une brebis docile.
« Lorsque un enfant détient encore assez d’énergie pour repousser cette mainmise, mais pas assez suffisamment cependant pour entrer sur le chemin du guerrier, il devient un rebelle ou un délinquant.
« L’avantage des prédateurs volants prend racine dans la différence entre nos niveaux de conscience.
Ce sont des entités très vastes et puissantes ; l’idée que nous en avons est équivalente à celle qu’une fourmi peut avoir d’un être humain.
« Cependant leur présence est douloureuse et elle peut se mesurer de différentes manières. Par exemple, lorsque nous faisons face à des attaques de rationalité ou de méfiance, ou quand nous sommes tentés de violer nos propres décisions. Les fous peuvent les détectés très facilement, trop même, dirais-je, parce qu’ils sentent physiquement comment ces êtres se posent sur leurs épaules, générant des paranoïas. Le suicide est le sceau des prédateurs volants, leur esprit est potentiellement homicide.
– Vous dites qu’il s’agit d’un échange : mais, que gagnons-nous avec un pareil despote ? «
– « En échange de notre énergie, les prédateurs nous ont donné le mental, les attachements et l’ego. Pour eux, nous ne sommes pas des esclaves mais une espèce d’ouvriers non salariés. Ils élurent une race primitive et lui donnèrent la faculté de penser, laquelle nous fit évoluer, mieux encore nous a civilisés. Si nous n’avions leur influence, nous serions encore cachés dans des grottes ou faisant des nids au sommet des arbres.
« Les prédateurs volants nous dominent au travers de nos traditions et de nos coutumes. Ils sont les maîtres des religions, les créateurs de l’Histoire. Nous écoutons leur voix à la radio et nous lisons leurs idées dans les livres. Ils manipulent tous nos moyens d’informations et nos systèmes de croyance. Leur stratégie est magnifique. Par exemple, il exista un jour un honnête homme qui parla d’amour et de liberté ; ils convertirent cela en auto-compassion et en servilité. Ils le font même avec les naguals.
C’est pour cette raison que le travail d’un sorcier est solitaire.
« Durant des millénaires, les prédateurs volants ont concocté des plans pour nous collectiviser. Il y eut une époque où ils se firent tellement audacieux qu’ils étaient même vu en public, et les gens en faisaient des représentations de pierre. Ces temps étaient obscurs, Ils pullulaient partout. Et maintenant leur stratégie est devenue tellement subtile que nous ne savons même plus qu’ils existent.
« Par le passé, ils nous fourvoyaient par la crédulité ; aujourd’hui ils y parviennent par le matérialisme. Ce sont eux qui sont responsables de l’aspiration de l’humain actuel à ne plus penser par lui-même ; observe combien de temps une personne pourra tolérer le silence !
– « Pourquoi ont-ils changés dans leur stratégie ?
– « Parce qu’en ce moment même, ils sont en train de courir un grand risque. L’Humanité est en contact plus rapidement et chacun peut être informé. Ou ils nous remplissent la tête et nous bombardent jour et nuit par tous type de suggestions, ou alors on se rendra compte de leur présence et tout le monde sera avisé.
– « Que se passerait-il si nous parvenions à repousser ces entités ?
– « Nous récupérerions en une semaine toute notre vitalité et nous serions à nouveau brillants ! Mais, en tant qu’être humains ordinaires, nous ne pouvons envisager cette possibilité parce qu’elle impliquerait que nous allions contre tout ce qui est socialement acceptable. Fort heureusement, les sorciers ont une arme redoutable : la discipline.
– « La rencontre avec les êtres inorganiques est graduelle. Au début nous les remarquons. Puis un apprenti finit par les voir dans ses rêves et ensuite en veille, chose qui peut le rendre fou s’il n’apprend pas à vivre comme un guerrier. Après qu’il s’en soit rendu comte, il peut les affronter.
« Les sorciers manipulent l’esprit étranger en se faisant chasseurs d’énergie. C’est à cette fin que mes compagnons et moi-même avons dessiné les exercices de Tenségrité, qui ont la vertu de nous libérer de l’esprit du prédateur volant.
« Dans ce sens, le sorcier est un opportuniste. Il profite de l’impulsion qu’ils lui donnèrent et dit à ses prédateurs : ‘Merci pour tout, on ne se reverra plus ! L’accord que vous fîtes dans le passé n’est plus un accord qui me concerne désormais’ en récapitulant sa vie, il ôte littéralement le pain de la bouche de ses prédateurs. C’est comme si nous allions au magasin après un achat pour rendre la marchandise en disant qu’il faut qu’on nous rende notre argent ! Les êtres inorganiques n’aiment pas cela mais ils ne peuvent rien y faire.
« Notre avantage est que nous sommes pour eux des proies prévisibles , que de nourriture alors pour ceux-là !
Un état d’être d’alerte complète, qui n’est pas autre chose que la discipline, crée des conditions telles dans notre attention, que nous cessons d’être savoureux pour ce type d’êtres. Et dans ce cas, ils font demi-tour et nous foutent la paix.
PERDRE LA RAISON
Lors d’une autre audience, Carlos expliqua que la raison est un sous-produit de l’esprit étranger et qu’il ne faut pas trop lui faire confiance.
Cette affirmation violenta mes schémas mentaux.
Lorsque je lui demandai plus de détails il m’expliqua que ce que repoussent les sorciers n’est pas la capacité à raisonner pour parvenir à des conclusions, mais le fait que la raison vient s’imposer dans notre vie, comme si elle était l’unique alternative.
« La rationalité fait en sorte que nous nous sentons comme un bloc solide, et nous commençons à accorder la plus grande importance à des concepts comme « la réalité ».
Lorsque nous affrontons des situations peu ordinaires, comme celles qui assaillent les sorciers, nous disons : « Ce n’est pas raisonnable !» Et il semble que nous avons dit là tout ce qu’il y
avait à dire.
« Le monde de notre mental est despotique, mais fragile. Après des années d’un usage continu, le» je» devient tellement pesant que c’est presque une question de lieu commun que se reposer pour pouvoir continuer.
« Un guerrier lutte pour rompre la description du monde qu’on lui a insufflée afin d’ouvrir un espace au nouveau. Sa guerre est livrée contre le moi . Grâce à elle , il cherche à être en permanence conscient de son potentiel. Comme le contenu de la perception dépend de la position du point nd’assemblage, un guerrier cherche de toutes ses forces à ébranler la fixation de ce point. Au lieu de livrer un culte à ses spécialisations, il prête attention à certains prémisses du sentier des sorciers.
« Ces prémisses déclarent que, en premier lieu, il n’est qu’une condition de plénitude énergétique qui puisse nous permette de traiter adéquatement avec le monde.
Deuxièmement, la rationalité est une conséquence de la fixation du point d’assemblage dans l’aire de la raison, et ce point se déplace lorsque nous réussissons à faire taire le dialogue intérieur.
Troisièmement, il y a dans notre champ lumineux d’autres points aussi pragmatiques que la rationalité.
Quatrièmement, lorsque nous réussissons à parvenir à une vision qui inclut la raison avec son centre jumeau -la connaissance silencieuse- les concepts de vérité et de mensonge cesse d’être opérationnels et il devient clair que le vrai dilemme de l’homme est d’avoir de l’énergie ou de ne pas en avoir.
« Les sorciers raisonnent à l’envers des gens. Pour eux, ancrer l’attention est folie et la laisser fluer est sensation. Ils appellent « voir» la fixation du point d’assemblage en des zones non habituelles. Ils considèrent que ‘être raisonnable’ est un impératif commun, mais ils savent que la rationalité n’est pas sagesse. La sagesse est un acte volontaire, alors qu’être raisonnable c’est fixer notre attention sur un consensus collectif.
– « Est-ce alors que les sorciers sont opposés à la raison ?
– « Je t’ai déjà répondu qu’ ils s’opposent à la dictature. Ils savent que le centre de la raison peut nous conduire fort loin. La raison absolue est impitoyable, elle n’a pas de demi-teintes ; c’est pour cela les gens la craignent. Lorsque nous pouvons la focaliser avec inflexibilité, nous générons l’obligation d’être impeccables, parce que l’être n’est pas raisonnable. Faire les choses avec impeccabilité c’est faire tout le plus humainement possible et même plus. Car de la même façon, la raison elle aussi ébranle le point d’assemblage.
« Pour agir avec les préceptes du chemin du guerrier, un propos clair est nécessaire, la valorisation de la tâche et une intention inflexible.
Si tu regardes autour de toi, tu verras que la majeure partie des gens ‘de raison’ n’est pas vraiment centrée sur ce point, mais se tient à sa périphérie.
– « Pourquoi ? «
– « Parce que l’énergie leur fait défaut. Leurs trous les empêchent d’être pleinement objectifs. Leur attention fluctue, et leur perception est un résultat hybride, ambigu. Ils flottent comme une barque sans gouvernail au milieu du courant, à la merci de leurs émotions et sans apercevoir ni la lisière de la raison pure, ni celle de l’abstrait.
« Ce dont a besoin un guerrier d’aujourd’hui est une condition d’accroissement énergétique soutenu, afin que son attention puisse fluctuer ,entre la raison et la connaissance silencieuse.
Pouvoir se mouvoir ainsi le ,rend plus sage que jamais, sans toutefois en faire un être rationnel.
Quelle que soit la position où il se fixe, il sera toujours apercevant l’autre point : ainsi sa vision acquiert perspective et profondeur.
Les sorciers décrivent cette condition comme être double ou perdre la raison.»
« Nous pouvons parvenir à la connaissance silencieuse tout comme nos maîtres nous apprirent à parvenir à la raison : par l’induction.
C’est tout comme dominer les deux côtés d’un pont. De l’un on peut voir la raison comme un tissu de consensus qui transforme l’interprétation collective en
un sens commun par les douanes de la perception. Et de l’autre, on peut avoir l’intuition de la connaissance silencieuse comme une noirceur insondable et créatrice qui s’étend bien au-delà du seuil de la non pitié.
Passé ce seuil, les anciens parvinrent à la source de la connaissance pure.
« Être double c’est réaliser une connexion avec soi-même, fluer entre deux points. C’est quelque chose de pratiquement indescriptible, mais un apprenti l’expérimente assez tôt si il a une réserve suffisante d’énergie.
A partir de là, il apprend à traiter avec la raison comme un être libre, sans révérence ni soumission. Il acquiert alors ce que Don Juan appelait : l’ intensité, c’est-à-dire, la capacité d’emmagasiner de l’information en un bloc perceptuel.
Le concept d’ «intensité «me semblait complètement obscur et je lui demandai plus d’explications. Il me répondit que la perception se compose de contenu et d’intensité. Les situations extrêmes, comme par exemple la conscience aiguë d’un danger, la proximité de la mort ou l’effet des plantes de pouvoir génère une grande intensité.
Un sorcier apprend à considérer ces expériences comme un mouvement du point d’assemblage.
Il ajouta que ce chemin de la connaissance propose un changement de valeurs dans la manière où nous comprenons notre interaction sociale en tant qu’espèce, en soustrayant notre énergie de la vie quotidienne et en la concentrant sur des situations qui impliquent une intense expérience vécue.
« Il s’agit de revenir à l’homme merveilleux, au pouvoir, à ce qui a été rêvé, lui rendant l’étonnement et la capacité de créer !
Seule cette rupture libérera l’être lumineux de notre uniformité perceptuelle.