Représentation et réalité


Le comportement de l’être humain est, de toute évidence, largement gouverné par les représentations qu’il se fait de la réalité. La matière dont il la décode, lui donne sens, écrit Thierry Melchior dans « Créer le réel ».

Un peu plus loin, il poursuit : cela nous montre que, comme disait Korzybski (1933), « la carte n’est pas le territoire ». Ou, comme l’avait déjà fait remarquer Epictète, ce ne sont pas tant les choses qui nous affectent que l’opinion que nous en avons.

Comme nous prenons nombre de nos représentations pour la réalité même, nous avons tendance à ne pas les voir comme de simples représentations. Elles sont un peu comme la paire de lunettes qui nous aide à mieux voir : en regardant à travers elles, on n’y prête pas attention, on ne les voit pas.

(…)

Il ne nous vient donc généralement pas à l’esprit de considérer nos représentations comme participant de l’imaginaire.

(…)

Représentation et réalité sont ainsi liées par le biais de notre imaginaire en un point que l’on ne peut se douter.

Si bien que l’on peut considérer l’imaginaire comme le siège ou s’enfante la perception de notre monde.

Est-ce vraiment si imaginaire ?

Alors, pouvons-nous imaginer que nous ne voyons que ce que nous croyons ?

Et par là, nous ne percevons ainsi que ce qui cadre dans notre manière d’appréhender le monde.

En conséquence nous ne décryptons que ce qui rentre dans les catégories de la carte de notre représentation, sorte de bagage topologique de nos croyances.

Si nous avions des lunettes infrarouges nous ne pourrions voir le monde que sur cette longueur d’onde.

Et toutes les autres fréquences même si elles existent, nous ne pourrions aucunement les percevoir car elles sont simplement hors de porter de notre outillage pour les entrevoir.

Et c’est en cela que nous ne pouvons découvrir hélas qu’une seule partie de la totalité de notre monde.

Et pire, en plus d’être limiter par cette minuscule frange de longueur d’onde, nous y superposons l’image que l’on se fait du monde, cette fameuse carte de toutes nos représentations.

Thierry Melchior plus loin poursuit : Se rendre compte de l’existence des lunettes ne signifie évidemment pas qu’elles seules existent. S’aviser de leur existence n’implique pas que la réalité qu’elles permettent de voir n’existerait en aucune façon ou reste indémontrable comme l’affirme la théorie solipsiste.

(…)

Reste qu’il est difficile de dire « ce qu’est réellement le réel » : la « chose en soi »

(…)

Mais dans la pratique, le fait est que ce que nous tenons pour le plus réel est généralement ce qui s’offre le plus évidemment au témoignage de nos sens, ce qui est le plus distinctement observable (encore faut-il le voir) et/ou ce sur l’existence de quoi le plus grand nombre est d’accord.

Notre rapport à la réalité est médiatisé par toute une série de filtres représentationnels qui organisent et structurent nos perceptions et le sens que nous leur donnons.

(…)

Notre compréhension du monde et donc le sens que nous lui donnons fait que la réalité que l’on perçoit est juste l’image que nous pouvons interpréter à un moment donné de ce que nous imaginons de nous-même à travers la matière du monde.

Nous ne voyons des choses extérieur que ce que nous comprenons de nous-même car le décodage de l’extérieur ne peut se substitué à la lecture de notre fort intérieur.

Grace à cette relation qui démarre du dedans vers le dehors, nous nous construisons dans l’éparpillement de ce que nous aimons et donc de ce qui nous attire à l’extérieur.

Quand le processus s’inverse, c’est-à-dire quand nous prenons conscience peu à peu que toute l’énergie employée initialement vers l’extérieur nous revient fatalement, du parcellaire nous commençons à tout engranger, a tout réunifié à soi.

Ainsi une fois l’emprise du monde retourné et donc détourné, nous nous replaçons dans notre intériorité, dans notre conscience qui prend de plus en plus de place sur nos habitudes et nos automatismes inconscients.

Puis se poursuit la prise de conscience de toutes nos projections, nouvelle relation qui au antipode va maintenant du dehors vers le dedans pour la déconstruction de notre image, carte de notre territoire intellectuel s’acheminant peu à peu vers l’intégration de la topographie de notre totalité.

Ainsi grâce à la carte projeté en dehors on récupère les moyens intelligible, les chemins de compréhensions d’appréhendés l’organisation et la structure intérieur de notre être.

L’on prend conscience ainsi de l’unité qui sous-tend tout le processus de va et vient entre la conscience et l’inconscience puis entre soi-même et soi-même.

On imagine finalement notre soi, notre totalité, notre âme qui s’habille des images du monde pour donner la possibilité de nous comprendre nous-même.

La rencontre de notre cosmos intérieur avec le cosmos de notre univers fusionne par l’infiniment petit qui raisonne au son de l’infiniment grand.

Le haut est comme le bas pour accomplir le miracle de la chose unique.

Etre de conscience c’est s’ouvrir par de-là les structures, les images et les formes a cette chose unique que nous sommes tous.

Nous venons du sans forme et de l’unité, là où tout est.

Grace au monde de la forme et de son apparente fragmentation, nous voguons dans l’espace infini de la forme pour récupérer toutes les partis de notre être que nous avons projeté, envoyé dans l’océan infini des toutes les possibilités.

Ainsi nous retrouvons peu à peu toute la totalité de notre être, pour réinterpréter alors tout le sens de nos expériences qui nous paraissez incompréhensible et par la même intolérable…