« Lorsqu’un homme décide d’entreprendre quelque chose, il doit s’y engager jusqu’au bout, mais il doit avoir la pleine responsabilité de ce qu’il fait. Peu importe ce qu’il fait, il doit en tout premier lieu savoir pourquoi il le fait, et ensuite il lui faut accomplir ce que cela suppose sans jamais avoir le moindre doute, sans le moindre remords. »
Il me dévisageait. Je ne savais que dire. Enfin j’avançai une opinion, plutôt une protestation.
« C’est impossible, absolument impossible. »
Il voulut savoir pourquoi. Je répondis qu’idéalement c’était peut-être ce que tout homme pensait faire, mais qu’en pratique aucun moyen ne permettait d’éviter les doutes et les remords.
« Bien sûr qu’il en existe un, rétorqua-t-il avec cette conviction qui lui était particulière.
« Considère mon cas personnel, je n’éprouve ni doutes ni remords. Tout ce que j’accomplis, je le décide et j’en prends l’entière responsabilité. La plus simple des choses que j’entreprends, par exemple t’emmener pour une marche dans le désert, peut parfaitement signifier ma mort. La mort me traque.
Par conséquent je n’ai ni le temps du doute ni celui du remords. Si je dois mourir parce que je t’ai conduit dans le désert, alors que je meure. Toi, à l’opposé, tu as l’impression d’être immortel, et les décisions d’un immortel peuvent s’annuler, être regrettées, faire l’objet du doute, Mon ami, dans un monde où la mort est un chasseur il n’y a de temps ni pour regret ni pour doute. Il y a seulement le temps de décider. »
En toute sincérité, je déclarai qu’à mon avis tout cela constituait un monde irréel puisqu’il n’existait qu’arbitrairement lorsqu’on adoptait une conduite idéale, tout en proclamant qu’il s’agissait de la seule direction à suivre.